Ainsi, Yale ne serait sauvé que s’il tuait la Divinité ?  

Linley était un peu tendu et ressentait à la fois de la colère et un sentiment d’injustice à l’idée que Yale, sous l’effet de cette Graine d’Âme, soit totalement soumis aux ordres de cette mystérieuse Divinité.

– « Quel que soit cet expert de niveau Divin, je vous assure que je le tuerai! » Dit-il.

Il fallait à tout prix que Yale redevienne celui qu’il était!

– « Seigneur Linley, je voudrais savoir… Lorsque Fain et vous avez tué ces deux hommes à la robe d’argent, avez-vous récupéré quelque chose… comme par exemple des anneaux interspatiaux ? » Demanda Zassler, hésitant.

– « Il y en avait en effet », répondit le Saint, « mais je les ai donnés à Wharton pour qu’il en fasse cadeau à qui bon lui semble. Pourquoi cette question ? »

Ces anneaux interspatiaux étaient peut-être très précieux pour un Roi, mais pour un Saint, ce n’étaient que des objets courants.

Linley, qui n’aurait aucune peine à s’en procurer un s’il le souhaitait, n’avait que faire de ceux qu’il avait trouvés sur les experts à la robe d’argent. Fain en avait pris un, et lui l’autre.  

– « Seigneur Linley, il serait préférable que vous regardiez d’abord ce qui se trouve exactement dans cet anneau » dit gravement Zassler.

– « Très bien. »

Sur les conseils de l’expert, il envoya aussitôt quérir Wharton qui s’empressa de le rejoindre dans les jardins fleuris.

Il était plutôt inquiet.

« Mon frère accorde une grande importance à l’affection qu’il a partagées avec ses frères. Mais ce Yale… Linley doit se sentir terriblement mal à présent », pensa-t-il.

Aussitôt qu’il l’aperçut, il réalisa que son aîné ne semblait plus du tout abattu. Les sourcils froncés, le regard d’acier, il paraissait plutôt soucieux.

– « Tu m’as appelé, mon frère ? » Demanda-t-il aussitôt.

– « Te souviens-tu de l’anneau interspatial que je t’ai donné ? L’as-tu remis à quelqu’un d’autre ? »  

– « Pas encore », répondit Wharton en souriant. « J’avais prévu d’attendre quelques jours pour le donner à Nina. Voilà longtemps que nous sommes mariés et je ne lui ai encore jamais rien offert de précieux. »

– « Fais la venir au plus vite et demande-lui de créer le lien du sang avec l’anneau. Voyons ce qu’il y a dedans. »

Wharton, surpris, se demanda pourquoi son aîné était si pressé.  

Nina ne tarda pas à arriver. Ayant appris ce que Linley attendait d’elle, elle obtempéra aussitôt et récupéra tout le contenu de l’anneau, dont des vêtements, du minerai et surtout… Une boule de cristal.

Aussitôt, le regard de Zassler s’illumina :

– « C’est ça! » Dit-il.  

Linley, Wharton et Nina étaient un peu perplexes. Certes, la boule de cristal émettait une étrange aura, mais ils n’avaient aucune idée de l’effet qu’elle pouvait bien produire.

Zassler, qui le savait, étendit la main et souleva l’objet. Les matériaux à l’intérieur semblaient différents de ceux de l’extérieur. Lorsque la lumière du soleil y pénétrait, elle se déformait puis se solidifiait au cœur de la boule.

Zassler infiltra son énergie spirituelle dans la sphère et observa attentivement ce qui se passait.

– « Cette boule de cristal a été conçue de façon à absorber toutes les âmes non protégées qui se trouvent dans une superficie d’environ dix mètres carrés », dit-il après réflexion, s’efforçant d’expliquer au mieux ce qu’il en était.

– « Elle absorbe les âmes ? »

Linley frissonna intérieurement. Il avait compris.

De toute évidence, les événements survenus dans les “villes fantômes” étaient l’œuvre de ces hommes à la robe d’argent qui massacraient des gens d’une main tout en tenant la boule de cristal de l’autre de façon à ce qu’elle absorbe immédiatement les âmes des personnes tuées. Ils avaient donc récupéré cent mille âmes après la destruction de la Cité du Lion Bleu.

– « Mais dans quel but font-ils cela ? » Demandèrent Wharton et Nina, stupéfaits.

– « Tout d’abord, sachez que la Nécromancie provient du Dieu Suprême de la Mort », expliqua Zassler.  « D’une façon générale, tous ceux qui s’y forment sont susceptibles de devenir des Divinités. La plupart du temps, en effet, ils se forment aux Edits de la Mort, qui renferment beaucoup d’informations sur l’utilisation des âmes. 

Si l’on parvient à en amasser suffisamment, il est possible d’exécuter des attaques spéciales. »

– « Les Édits de la Mort… c’est vraiment… »

Linley lui-même était assez mal à l’aise.

Lui qui connaissait les sept lois élémentaires de la Terre, du Feu, de l’Eau, du Vent, de la

Foudre, de la Lumière et des Ténèbres savait également que la Mort, la Destruction, la Vie

et le Destin étaient quatre types d’Edits, concept différent de celui des Lois et qui comprenait

l’ensemble des règles gouvernant l’univers.

Pour se former aux Édits de la Mort, il fallait donc se focaliser sur la “Mort”.

– « Le principal objectif, en collectant des âmes, est de les raffiner et de les absorber pour augmenter la puissance de la sienne. »  

Décidément, Zassler ne cesserait jamais de les surprendre.

Linley était abasourdi.

Dylin lui avait dit autrefois qu’il existait deux façons de devenir une Divinité, la seconde consistant à créer un clone Divin à partir de l’Étincelle Divine, ce qui impliquait de diviser son âme en deux. Or l’âme étant l’élément essentiel d’un être vivant, le corps Divin endommagé pourrait aussitôt se reformer à partir d’énergie tandis que si l’âme venait à être détruite, ce serait la mort certaine.  

Plus l’on s’entraînait, plus l’âme, elle aussi, se renforçait.

– « Renforcer son âme en en absorbant d’autres ? »

Aux yeux de Linley, c’était tout simplement inconcevable.

– « En effet. Mais le processus de raffinage est extrêmement difficile » soupira Zassler. « Cela nécessite une compréhension approfondie des âmes. Moi-même je n’en suis pas capable. Pour y parvenir, il faudrait avoir atteint le niveau Divin et être formé dans la Voie de la Mort. »  

Pour Linley, le pouvoir de raffiner les âmes pour renforcer la sienne était tout simplement monstrueux. Il aurait été absurde de penser qu’un simple Demi-Dieu puisse y parvenir alors que les Divinités en mesure de le faire étaient extrêmement rares.

– « Je crois avoir une idée assez précise de l’endroit où se trouve cette Divinité », dit Zassler.

À ces mots, les yeux de Linley s’illuminèrent.

« Si l’on recoupe tous les éléments, comme le fait que Yale ait demandé à racheter tous ces prisonniers ou encore ces hommes à la robe d’argent qui détruisent des villes, il est évident que cette Divinité a désespérément besoin d’âmes. Je pense qu’elle devrait se trouver à l’endroit même où sont livrés les prisonniers de guerre. »

Linley était d’accord sur ce point.

« Nous savons également que le Conglomérat de Dawson nous a fourni comme excuse le fait qu’ils achètent tous ces esclaves pour creuser une immense mine secrète, située dans une chaîne de montagnes non loin de la frontière sud de l’Empire Baruch. À l’intérieur se trouve une grande vallée où se situe l’une des filiales du conglomérat. À mon avis, c’est là que se cache cette Divinité. »  

Zassler eut un sourire mauvais : « De plus, Yale est arrivé le lendemain du jour où vous avez tué ces hommes à la robe d’argent. Pour qu’il ait fait si vite, il faut qu’il ait reçu l’ordre de venir s’occuper de vous. »  

Linley hocha légèrement la tête.

« N’étant pas un Saint, Yale, pour pouvoir voler, a besoin de l’aide d’une Créature Magique », reprit Dassler. « Or il n’a mis qu’une dizaine d’heures pour aller récupérer le poison auprès de la Divinité et se rendre au Château du Sang de Dragon. Si l’on tient compte de la vitesse maximale à laquelle une Créature Magique peut voler, cette Divinité doit se trouver à seulement quelques milliers de kilomètres d’ici, sans quoi jamais Yale n’aurait pu arriver si vite au château. 

Or cette vallée est la seule branche du Conglomérat de Dawson qui se trouve à cette distance. »  

– « Très bien », acquiesça Linley. « Allez tous vous reposer à présent. Je reprends de ce pas l‘entraînement. »  

– « Pourquoi tant de précipitation, mon frère ? » Demanda Wharton, un peu surpris.

Linley n’avait-il pas dit qu’il ne reprendrait l’entraînement qu’après qu’ils aient dîné tous ensemble ?

– « À ton avis, je suis de quelle humeur ? Sur ce, retournez à vos affaires. »  Linley tourna son regard vers le Sud-Ouest. « Collectionner des âmes ? Massacrer des êtres vivants ? Contrôler Yale… » Il avait une folle envie de tuer cette mystérieuse Divinité.

Le Saint quitta aussitôt le jardin et se rendit dans la salle d’entraînement secrète cachée au fin fond du château. Sitôt qu’elle le vit entrer dans la dimension miniature, Délia, qui était assise sur le lit de pierre en posture de méditation, ouvrit les yeux.

– « Que se passe-t-il, Linley ? » Demanda-t-elle, confuse.

– « Rien », répondit-il en s’efforçant de sourire pour ne pas inquiéter son épouse. « Poursuivons l’entraînement », ajouta-t-il en s’ayant à son tour sur le sol.

À l’extérieur de cette dimension miniature, l’espace chaotique multicolore continuait de se mouvoir.

– « Sitôt que j’aurai atteint le niveau Divin, je tuerai cette pourriture », pensa le Saint, pris d’une rage meurtrière.

Il prit trois grandes respirations pour se calmer et se concentra pour se mettre au diapason des Lois Élémentaires du Vent afin de poursuivre son expérience et son perfectionnement au regard des Vérités Profondes de la Vélocité.  

À mesure qu’il s’intégrait aux Lois Élémentaires illimitées, les trois épées visualisées dans son esprit et qui représentaient respectivement les aspects “Rapidité”, “Lenteur” et “Vérités Profondes de la Vélocité” prenaient différentes formes tout en attaquant et lui laissaient entrevoir dix millions de méthodes d’utilisation différentes.

Ce n’était qu’en formulant des hypothèses et en les vérifiant à l’aide des épées “Rapidité” et “Lenteur” qu’il pourrait acquérir de nouvelles connaissances. Ainsi, expérience après expérience, finirait-il par trouver la bonne voie.

Plus il avançait, plus Linley avait le net sentiment que les aspects “Rapidité” et “Lenteur”, loin d’être opposés, avaient des points communs. Heureusement qu’il n’avait acquis que quelques notions de base concernant ces deux aspects, cela allait lui permettre d’améliorer les “Vérités Profondes de la Vélocité”.

En effet, s’il avait atteint un niveau extrêmement élevé, il aurait eu grand mal à les faire fusionner par la suite.

Le temps s’écoulait inlassablement, tel de l’eau.  

À sa grande stupéfaction, le Grand Sorcier apprit que Linley était toujours en vie malgré le poison administré par Yale. Aucun Saint, en effet, n’avait encore réussi à échapper aux effets de ce Poison Destructeur d’Âme, terriblement toxique.

– « Laissons ce petit vaurien vivre encore un peu », pensa le Sorcier qui n’avait que faire de lui.

Si son adversaire avait été une Divinité, il aurait sans doute été un peu plus inquiet. Mais un saint ?

La seule raison pour laquelle il avait voulu le tuer, c’était parce qu’il était fâché que Linley ait assassiné ses gardes.

« Ainsi donc, il n’a pas tué Yale! C’est vraiment un tendre! À la Prison du Plan de Gebados, quelqu’un comme lui aurait été depuis longtemps trahi et assassiné!  Après tout tant mieux! Cela m’évitera d’avoir à dépenser de l’énergie spirituelle pour prendre le contrôle d’un autre membre du Conglomérat de Dawson. »

Oubliant cette affaire, le Grand Sorcier se mit à raffiner l’immense quantité d’âmes qu’il avait devant lui.

Six mois avaient passé en un clin d’œil.  

Toujours en posture méditative, Linley poursuivait son entraînement. Dans son esprit, les trois épées visualisées continuaient à lui faire entrevoir d’autres mystères des “Vérités Profondes de la Vélocité”.  

« Nous y voilà », pensa-t-il, avec la nette impression, en âme et en esprit, qu’il venait de franchir une frontière…La frontière séparant les Saints des Divinités.

Linley ouvrit les yeux et leva la tête.

Il y eut un bruit de tonnerre et soudain, un torrent d’énergie descendit sur lui et l’enveloppa. Tout autour de lui, l’espace se déforma comme pour l’isoler du reste et il s’éleva dans les airs.

Il ne contrôlait plus son corps.

« C’est terrifiant… » Pensa Linley qui sentait les effets de cette énergie immense, illimitée intemporelle et particulière. C’était comme une présence, celle d’une Loi ou d’un Edit, devant laquelle il avait l’impression de n’être qu’une fourmi.

« Il s’agit sans doute de l’Edit naturel qui détermine si oui ou non on est sur le point de devenir une Divinité », se dit-il, totalement bouleversé.