Le Dôme Céleste Étoilé, la Lune Sanglante, les peintures géantes… Tout était magnifique, exactement comme Pasha l’avait décrit.
Rien d’étonnant à ce que les sorcières aient appelé cet endroit le Royaume Divin. Il fallait qu’il y vienne pour vraiment sentir son immensité.
Était-ce là une transmission ou un moyen de contrôler l’esprit subconscient ?
Roland s’accroupit et caressa légèrement le sol. Il semblait fait de pierres polies, cependant, il était aussi lisse qu’un miroir, dur et froid au contact. Tout ceci n’était donc pas fictif.
Ayant déjà vécu des expériences similaires dans le Monde des Rêves extrêmement réaliste, il ne paniqua pas et leva les yeux vers le dôme.
L’énorme Lune Sanglante suspendue au-dessus du tableau géant ressemblait à une crêpe ronde. En l’observant attentivement, il aperçut des ondulations à la surface. Loin d’être aussi brillante et lumineuse que le soleil, cette lune était en réalité une sorte de mer. Quoiqu’écarlate, elle ne donnait ni lumière, ni chaleur. Les rides rouges, qui ressemblaient à des vagues ou à des tourbillons, la recouvraient entièrement.
Cependant, ce cercle, qui s’apparentait davantage à un disque qu’à une sphère, était beaucoup trop parfait.
La Lune Sanglante était-elle très proche de lui ?
Roland l’observa un bon moment mais ne parvint pas à l’associer au Météore Rouge décelé par les astrologues. En effet, ce n’était ni une planète ni une étoile. Si vraiment elle devait être à l’origine de la Bataille de la Divine Volonté, comment allait-elle pouvoir descendre sur terre ?
Soudain, une pensée lui traversa l’esprit :
Si l’Astrologue en Chef, Étoile Rayonnante, venait à être convoqué par la relique, serait-il en mesure de dire si cette substance noyée parmi les étoiles scintillantes était bien la Lune Sanglante ?
Peut-être le pauvre vieillard s’évanouirait-il sous l’effet de la peur.
Roland haussa les épaules, se leva et contempla les quatre tableaux géants qui entouraient la “lune”.
Ils représentaient un trône, un océan, un écran noir et le dernier était son portrait.
En dehors du dôme souterrain de la Troisième Ville Frontalière, il avait déjà lu des documents relatifs à ces tableaux dans la bibliothèque du Temple Central Secret. Ils n’étaient pas si étranges dans la mesure où une relique, telle un enregistreur, reflétait le monde alentour. Aux dire de Pasha, la toile noire représentait autrefois la civilisation souterraine disparue.
À travers le tableau, Roland salua son image ainsi que Wendy, mais de toute évidence, personne ne l’entendait. Il se demanda alors ce qu’avait voulu dire Pasha lorsqu’elle affirmait que le Royaume Divin influait sur la réalité.
Il s’approcha du tableau représentant le trône et toucha la toile. C’était une sorte de tissu très doux et lisse, à la texture délicate. Quant à la scène représentée, ce n’était qu’une image dans la mesure où il lui était impossible d’entrer dans cet univers.
Roland se promena alors dans le palais. N’ayant fait aucune autre découverte, il s’apprêtait à sortir afin de voir si le royaume dans lequel il se trouvait était illimité lorsque soudain un bruit lui parvint, provenant de la toile qui se trouvait derrière lui.
Il résonna fortement dans cet environnement silencieux. On aurait dit le frottement de deux objets en aciers ou encore l’écho d’un objet dur heurtant le sol.
Aussitôt, ses cheveux se hérissèrent sur sa nuque.
« Bon Sang! » Pensa-t-il, « On ne m’a pas prévenu que ces tableaux géants pouvaient également faire du bruit! »
Il s’arrêta, se retourna brusquement et aperçut, dans le premier tableau, un guerrier à l’armure sombre qui le fixait de ses yeux rouges.
Puis une autre peinture s’anima à son tour.
D’innombrables bulles se mirent à gargouiller tandis qu’un énorme globe oculaire émergeait des eaux sombres, se rapprochant peu à peu du bord du tableau comme s’il allait sortir du cadre. Trois pupilles de forme triangulaires le fixaient et en les voyant, il se sentit très mal à l’aise.
« Vous vous êtes donné le mot ? » Pensa Roland.
Il se sentit soulagé, car à partir du moment où ces monstres ne se cachaient pas pour lui jouer des tours, il ne les craignait pas. Du reste, ceux-ci n’était guère effrayants.
Il ne s’agissait que d’un Diable Supérieur et du gardien de la relique, issu d’une civilisation inconnue.
Il se plaça au centre des quatre tableaux géants et leva les yeux vers les deux créatures étrangères.
– « Bonjour! Êtes-vous venus participer à la Bataille de la Divine Volonté ? » Demanda-t-il.
« Allons-nous devoir nous battre jusqu’au bout ? Ne pourrions-nous pas simplement nous asseoir et discuter ? »
« Vous comprenez ? »
« Dites au moins quelque chose! »
« Hé, serait-ce un jeu ? Celui qui cligne de l’œil perd la partie ? »
En dépit de ses efforts pour tenter de communiquer, Roland ne reçut aucune réponse.
Etait-ce une illusion ? Il eut l’impression que le Diable respirait de plus en plus vite et que le globe oculaire se mettait à trembler.
Était-ce à force de se regarder ? Etaient-ils seulement capable de le fixer du regard jusqu’à ce que cela en devienne douloureux ? Dans ce cas, en quoi était-ce dangereux ? Il ne verrait aucun inconvénient à venir seul dans cet endroit.
Roland leva les yeux au ciel. Il s’apprêtait à mettre fin à ce jeu de regards qui commençait à l’ennuyer lorsqu’au moment où il se détournait, il aperçut du coin de l’œil des tentacules noirs apparaître sur les tableaux, se diriger, tels des serpents, vers les Diable et le globe oculaire et s’enrouler étroitement autour d’eux.
« Bon sang! » Pensa Roland, abasourdi. « Que se passe-t-il ? »
Soudain, le Diable se mit à bouger. Il s’agrippa au trône et poussa un cri étrange. Des flammes et des lames transparentes émergèrent autour de lui, tentant de combattre les tentacules, mais ceux-ci étaient beaucoup trop nombreux. Les minuscules petites mains douces à leur extrémité eurent tôt fait de briser les armes invoquées par le démon.
Les cris de ce dernier redoublèrent : on aurait dit qu’il combattait un puissant ennemi invisible. Roland percevait de la tension dans sa voix. Soudain, un éclair électrique jaillit de l’armure. Aussitôt, les tentacules se rétractèrent et relâchèrent leur étreinte. Profitant de l’opportunité, le Diable, paniqué, se dégagea du trône et s’enfuit du tableau, brisant au passage un morceau de l’accoudoir.
Quant à l’Œil Géant, il n’était guère en meilleure posture, plusieurs tentacules ayant déjà transpercé son globe oculaire et rien qu’en le regardant, Roland ressentait sa douleur. Un liquide bleu pâle, semblable à des larmes, s’écoulait des fissures. À la différence du Diable, l’œil ne criait pas mais de ses trois pupilles jaillissaient en continu de violents rayons de lumière qui tentaient de bloquer la plupart des tentacules.
Soudain, toutes trois s’ouvrirent simultanément et une onde menaçante traversa le tableau géant. Une odeur suffocante parvint aux narines de Roland qui ne put s’empêcher de faire un pas en arrière tandis que les tentacules relâchaient le globe oculaire. En un clin d’œil, celui-ci retourna d’où il venait et disparut dans l’ombre. Au fur et à mesure qu’il descendait, l’eau bleue et ondulante se fit de plus en plus sombre et, au bout d’un moment, devint totalement noire.
« Hein ? Que s’est-il passé ? »
Roland regarda le tableau en désordre représentant le trône et chercha longuement la réponse.