LiangZhu | 良渚
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Volume 2 / Chapitre 19
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« Les voilà tous partis faire des bols sur le rivage », se lamenta grand-père Rivière. « Laissez de côté la fabrication des cales pour le moment. Vous allez devoir enrouler vous-même de la ficelle de chanvre autour du corps de l’arc. » 

« Mais d’abord, enduisez les pièces polies de blanc d’œuf et de colle de vessie de poisson. » 

La colle était déjà prête, contenue dans une potiche posée devant eux. Après en avoir enduit le bois, ils attachèrent les quatre parties ensemble. 

« Et maintenant, enroulez de la ficelle sur la colle. Attention, c’est plus difficile qu’il n’y parait. Ceinturez de manière ferme et homogène, pour que les éléments adhèrent parfaitement et que la ficelle ne fasse qu’un avec la colle », insista-t-il. 

Il prit un bambou et de la ficelle pour leur montrer. 

« Grand-père, avec toute cette ficelle, on risque d’entamer les stocks, tu ne crois pas ? », s’inquiéta Liang, surpris de la quantité qu’il fallait pour un seul arc. 

« Tant pis. Vous compenserez en attrapant plus de gibier pour la tribu. » 

« Bon, mais quand même. Essayons d’en utiliser le moins possible », dit Liang, en s’adressant au groupe. 

« Alors, vous voyez ? », dit grand-père Rivière. « Quand je vous disais que fabriquer un arc était coûteux et difficile. Il faudra en prendre soin. » 

La nuit commençait à tomber sur la grande place, mais pas question pour eux de rentrer se reposer. Ils allumèrent des torches, puis commencèrent à installer les cales. 

« Le réglage des cales le long du ventre de l’arc est fondamentale ; faites preuve de précision. Car c’est lui qui produira la courbure. » 

Les cales étaient coincées entre la ficelle et le bois à des angles différents, suivant qu’elles se trouvaient au centre ou aux extrémités, de façon à courber le bambou comme il convenait. 

« Reste à figer la courbure en chauffant le bois, mais sans abîmer la ficelle. Alors ? Comment s’y prendre, à votre avis ? » 

« Et si on utilisait des pierres plates, grand-père ? », suggéra Liang. 

« Oui, bonne idée », acquiesça-t-il. « Nous allons poser nos arcs sur des pierres plates, que nous allons faire chauffer au-dessus du feu. » 

Cette étape était la plus longue et se prolongea toute la nuit… 

Le lendemain matin, grand-père Rivière les trouva en train de somnoler près du feu, enveloppés dans des peaux de mouton. 

« Garde à vous ! », cria-t-il pour les réveiller. « Il est temps de retirer les cales. » 

« Elles sont vraiment bien serrées », dit Liang, en tirant sur les petits morceaux de bambou un à un, coincés entre la ficelle et le bois. 

Il ne leur restait plus qu’à retirer la ficelle usagée et à gratter les résidus de colle avec une pierre rugueuse, et voilà ! Chacun avait entre les mains un bel arc, élégamment courbé et d’excellente qualité. 

« Pour finir, enroulez de la ficelle propre à la poignée et aux extrémités, séparément, pour accroître la flexibilité de l’arc. » 

Ils s’exécutèrent et après quoi, tous le regardèrent avec de grands yeux. 

« Qu’est-ce qu’il y a ? », fit mine de s’interroger le sorcier. « Oh je sais, je sais… Nous n’avons pas de très bonne corde sous la main. Mais soyez patients. Le chanvre fera l’affaire en attendant. » 

Liang prit une corde en chanvre, fit une boucle lâche avec un nœud très serré aux extrémités, puis la glissa dans les entailles de l’arc pour l’accrocher. Son arme était enfin prête. Il se saisit d’une flèche en bois, l‘encocha, visa vers la broussaille, tendit la corde et décocha… 

SOUUUUH ! La flèche fila à une vitesse stupéfiante. 

« Quelle puissance ! », s’exclama-t-il. « Avec des flèches en bambou très affûtées, aucune bête féroce ne nous résistera. » 

« Allons-les essayer dans la forêt », s’écria l’un d’eux. 

« Oui, allons-y ! » 

Surexcitée, la petite vingtaine s’élança aussitôt vers la forêt. Ils ne ressentaient plus aucune fatigue, malgré une nuit blanche passée à surveiller les feux et la cuisson. 

« J’ai hâte de tester sa puissance. » 

« Pour ça, tu peux tirer sur les oiseaux. » 

« Vise plutôt les lapins. » 

« Rien à cirer. Moi, je tire sur tout ce qui bouge. » 

« Chuuuuut », fit Caillou, « un lap… » 

SOUUUUH ! Plus vite que son ombre, Liang avait déjà décoché. 

« Vous avez vu ça ? La flèche est passée à travers. Je n’en reviens pas », s’exclama l’un, en accourant vers la prise. 

« C’est fou ! D’habitude, on n’arrive tout juste à les blesser. » 

« Avec un arc pareil, plus la peine de courir après les chevreuils. Il suffira de tirer de loin. » 

« Et si on se mettait en embuscade ? Non, attendez… Regardez par là… Des traces de sanglier. Ça se trouve, ce sont ceux qui ont attaqué le village. » 

« Pistons-les jusqu’à leur repère… », chuchota Liang. « Avec un peu de chance, on doit pouvoir en tirer quelques-uns. » 

Sans bruit, ils continuèrent à progresser le long du sentier. 

« Grimpons aux arbres », dit Caillou, « je les entends d’ici. » De toute la tribu, c’était lui qui avait l’oreille la plus fine. 

« Vite, grimpez, grimpez… », ordonna Liang à voix basse. 

Tandis que, cachés dans les feuillages, ils patientaient en embuscade, une meute d’une douzaine de sangliers aux crocs saillants déboula en pagaille de la broussaille, chargeant comme des brutes dans tous les sens… 

« Feu à volonté ! », hurla Liang. 

SOUUUUH ! SOUUUUH ! SOUUUUH ! Une pluie de flèches s’abattit sur les animaux. 

« Que les Esprits soient loués », se réjouit Liang après la chasse. « Après avoir détruit nos maisons, ces sangliers nous ont forcés à aller couper des 

arbres. Ce faisant, ils nous ont permis de découvrir la forêt de bambou ; et maintenant regardez : ils sont les premiers à tomber sous nos flèches et nos arcs en bambou. Qui l’eut cru ?! » 

« Le Ciel a des yeux et des oreilles », se félicita Caillou. 

À leur retour au village, quand les autres s’aperçurent qu’ils transportaient quatre belles carcasses de sangliers, toute la tribu entra en ébullition. 

« Alors ça ! Vous tombez bien ! », s’extasia le chef, un sourire jusqu’aux oreilles. « Voilà de la chaire fraîche pour remplir nos bols tout neufs. » 

… … … 

Tandis que, sur la grande place, un bol à la main, tous se délectaient du ragoût de sanglier aux pousses de bambou, Liang et Zhu se mirent à danser pour les égayer – en guise de prélude à la cérémonie des offrandes, qui approchait à grand pas. 



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