LiangZhu | 良渚
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Volume 2 / Chapitre 17
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La nuit commençait à tomber. 

De retour de la forêt, ils traînèrent les tiges de bambou jusqu’à la place des cérémonies, le seul endroit où il y avait assez de place pour les stocker – et où grand-père Rivière les attendait de pied ferme. Eux et leur gibier fraîchement tué. 

« Alors, voyons voir ça… », s’écria-t-il, en se jetant sur eux comme un loup affamé. « Montrez-moi un peu ce que vous avez pris. » 

« Y a de quoi faire, Grand-père », dit Liang tout essoufflé. « On a du faisan doré, du lapin, des pousses de bambou… Ah ! Et on a aussi cueilli quelques champignons pour maman. Mais on peut t’en laisser, si tu veux. » 

« Un tout p’tit peu… Je ne voudrais pas qu’on m’accuse d’enlever le champignon de la bouche d’une femme, tout de même ! », dit-il en éclatant de rire. 

« Allez, que la fête commence ! Nettoyez-moi ces carcasses, qu’on se cuise un bon ragoût de lapin au bambou et un mijoté de faisan doré aux champignons. Sans oublier le sel et les fruits rouges. » 

À ces mots, les uns se mirent à dépouiller les lapins et à plumer les faisans, d’autres à élaguer les tiges de bambou ; d’autres encore à allumer des feux et à accrocher de grands pots aux dessus. Tandis qu’ils s’affairaient, impatients à l’idée de partager un bon dîner bien mérité, ils aperçurent le chef, qui passait par là. 

« Encore merci, grand-père Rivière », dit-il en s’approchant. À son haleine, Liang ressentit le besoin de s’éloigner un peu. « Merci de te donner autant de mal pour instruire tous ces jeunes… » 

« … Tiens, ça sent bon par ici… Qu’est-ce que vous mijotez ? » La tête dans la fumée, il jeta un œil au ragoût et, en passant, attrapa quelques plumes multicolores pour se les mettre dans les cheveux. 

« Du faisan, chef. » 

« …aux CHAMPIGNONS », Liang s’empressa d’ajouter. Il savait que le chef en avait une peur bleue. 

« Aux champignons… ? », marmonna-t-il, visiblement très déçu. « À quoi bon contaminer de la bonne viande avec ces machins dangereux. » 

« Mais on a gardé du lapin et du faisan de côté », s’écria Caillou et, des deux mains, souleva trois beaux gibiers pour les lui montrer. 

Le chef ne se fit pas prier. Il ordonna à Taureau de prendre les carcasses et de les ramener chez lui ; et quand, les narines titillées par l’alléchante odeur de ragoût, il s’empressa de rentrer pour se régaler de son côté, Liang ne put s’empêcher de saluer son départ d’un grand éclat de rire. 

Par son autorité, il mettait tout le monde mal à l’aise, le chef ; contrairement à grand-père Rivière, qui lui était toujours drôle et franc du collier. 

… … … 

Le temps de nettoyer la place des copeaux de bambou, et de mettre de côté le duvet des faisans et les peaux de lapin, leur dîner était déjà prêt, exhumant une attrayante odeur de gibier bien cuit. 

Ceux qui craignaient les champignons délaissèrent le mijoté de faisan, se rattrapant sur le ragoût de lapin, tandis que d’autres, qui mourraient d’envie d’y goûter à nouveau, se servirent copieusement à l’aide de jattes. Grand- père Rivière, qui n’était pas du genre à se laisser aller, ne bouda pas son plaisir, naturellement. 

« Goute-s-en un peu, Zhu », dit Liang en lui servant une portion de soupe aux champignons. « C’est excellent, fais-moi confiance. Et toi aussi, grand- père, n’hésite pas. » 

« Hésitez ? Moi ? », dit-il et, lui passant une petite poterie aplatie : « Rempli mon bol à ras bord… Encore un peu… Voilà, voilà, comme ça. Et n’oublie pas les morceaux de viande. » 

« Ton quoi ? », demanda Zhu. 

« Mon bol », répéta l’autre fièrement. « Mon bol à moi. » 

« Comment se fait-il que tu ait un « bol » et pas nous ? », demanda-t-elle en riant. Elle examina le pot qu’elle tenait dans les mains et le compara au sien. 

« C’est ma nouvelle poterie », dit-il. « J’ai décidé de l’appeler comme ça… Ne lésine pas sur les morceaux de viande, hein ? » 

« J’en veux un moi aussi », insista-t-elle 

« Rien de plus simple. Il te suffit d’en fabriquer », rétorqua le sorcier, la bouche déjà toute barbouillée ; l’air de dire que manger dans un « bol » donnait plus de saveur à la nourriture. » 

« Tu pourras nous en faire cuire quelques-uns, grand-père ? », demanda Liang. 

« C’était ma dernière motte d’argile. J’ai fait ça en vitesse. Je me suis dit que ce serait pratique pour manger. Si ça vous plaît tant, faites-en vous-même », dit-il en se recroquevillant, comme pour protéger jalousement son précieux petit récipient. 

« N’espérez pas mettre la main dessus. » 

… … … 

Il était tard. Après dîner, grand-père Rivière et les autres étaient partis se reposer. Sur la grande place, seuls Liang, Zhu, Caillou et quelques autres se réchauffaient auprès du feu. 

« Liang, et si on se faisait des bols, nous aussi ? », proposa Zhu. 

« J’étais justement en train d’y penser. Quand les autres vont voir ça, ils vont tous en vouloir un, c’est certain. Mais faisons ça un autre jour. Il est l’heure de rentrer. » 

« Allez, allez. Ça prendra pas longtemps. » 

« Si tu insistes. » 

Il prit la tige de bambou la plus épaisse qu’il put trouver et la chauffa au- dessus des flammes ; puis, à l’aide d’une lame de jade, il en gratta la partie calcinée. Il renouvela l’opération plusieurs fois, chauffant, puis grattant, puis chauffant à nouveau, jusqu’à obtenir une section compartimentée, fermée de chaque côté par les nœuds du tronc ; et, pour finir, il la coupa en deux. 

« Alors ? Comment tu trouves ? On doit pouvoir s’en servir pour manger. » 

« Pas mal. Mais qu’est-ce que tu fais de ça ? » Elle lui indiqua la partie toute calcinée. 

« J’allais justement l’enlever. » 

Il continua à gratter, puis, d’un coup de lame, se débarrassa des franges brûlées et ramollis. 

« Et comme ça ? En voilà un beau récipient pour boire et manger. Et sans sable, en plus ! », dit-il fièrement. 

« Un bol en bambou ?! », s’exclama Zhu. 

« Exactement. On verra si ça marche ». Pour terminer, il lima sa pièce contre un bloc de granite rugueux. 

« Attends, je vais t’aider », dit-elle, en se saisissant de l’autre section pour l’astiquer à son tour. 

Sur la place des cérémonies, à la lumière des torches, les autres s’étaient mis à imiter Liang et à fabriquer leur propre récipient. 

« À partir de maintenant, on mangera et on boira tous dans du bambou », dit Caillou, plein d’entrain à chauffer, gratter et astiquer. « C’est grand-père qui n’en croira pas ses yeux. » 

« Ça donnera à la nourriture plus de saveur que la terre cuite », ajouta un autre, tout en limant. « Je meurs d’envie de voir la tête qu’ils vont faire, demain matin » 



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