LiangZhu | 良渚
A+ a-
Volume 1 / Chapitre 2  
Volume 1 / Chapitre 1  Menu Volume 1 / Chapitre 3

 

L’automne correspondait à la fin de la période de chasse. Il faisait froid et Liang et ses compagnons avaient déjà chassé beaucoup de bêtes. D’après les membres de la tribu, la viande et les fourrures étaient suffisantes pour passer l’hiver. Les récoltes de céréales plantées au bord du lac étaient également abondantes, et les tribus préparaient déjà les cérémonies de sacrifices d’hiver. Mais avec la saison hivernale, la venue des mauvais esprits était inévitable. Le chef de la tribu appela ses hommes à attraper des serpents afin d’obtenir leur bile. Liang savait à quel point les serpents étaient difficiles à attraper ; ils pouvaient facilement s’enfuir sans laisser de trace. 

Mais la bile des serpents était précieuse pour soigner la toux en hiver. Grand-père Rivière, le doyen du clan, qui avait vécu toutes sortes d’expériences, avait un jour évoqué les serpents avec Liang alors qu’ils mangeaient de la viande de serpent.

« Liang, la viande de serpent est délicieuse. Surtout ce petit morceau, qui est la partie la plus importante. » Le grand-père disait ces mots en tenant la vésicule biliaire d’un serpent, semblable à une pierre de jade noir.

L’animal s’était trouvé un jour par hasard au pied de Liang, qui l’avait aussitôt frappé avec une pierre. Le grand-père, qui avait vu le jeune garçon vaincre le serpent et le jeter au loin sans crainte, était allé ramasser l’animal.

« Liang, le serpent est un trésor, tu vois, sa bile peut soigner la toux. Si tu le manges, tu deviendras chasseur. »

Grand-père Rivière fit ensuite cuire le serpent et sa vésicule biliaire séparément, dans des pots en terre. L’odeur de la viande était alléchante. Liang ne fit qu’une bouchée de la vésicule biliaire, et pour le reste, il ne refusait jamais la nourriture, en particulier la viande. Comme sa famille manquait de tout, et puisque la viande de serpent pouvait être mangée, il continuerait de tuer des serpents dès qu’il en rencontrerait. Sa mère avait peur qu’il soit attaqué un jour par un reptile, aussi lui appliquait-elle régulièrement du jus d’herbe angélique sur le corps. Depuis tout petit, Liang connaissait la puissance des serpents : ils peuvent faire briller les yeux des hommes. Bien sûr, ces mots lui venaient de grand-père Rivière.

Comme le chef de clan leur avait demandé de chasser des serpents pour reconstituer les réserves de la tribu, Liang et les chasseurs discutèrent entre eux avant de décider de s’enfoncer dans les profondeurs de la forêt. Les serpents vivent dans les endroits sombres et reculés, et les chasseurs qui chassent tout au long de l’année connaissent bien leurs habitudes.

Liang savait que l’on trouvait dans une certaine partie de la forêt un “serpent aux sourcils noirs”, une espèce de grands serpents sans venin, dont certains pouvaient être très longs. Ils serraient leur proie fortement, avant de les avaler tout entières.

La viande de ce genre de serpent était si délicieuse que lorsqu’on la faisait cuire en bouillon, l’odeur suffisait à faire saliver. 

Il faisait de plus en plus froid en cette période de l’année, et le “serpent aux sourcils noirs” avait pour habitude de s’enrouler paresseusement au soleil sur une branche d’arbre.

Ces serpents dormaient également toujours sur les branches le jour et sortaient la nuit pour chasser. Lorsque Liang et ses compagnons arrivèrent, ils virent beaucoup de serpents aux sourcils noirs accrochés calmement aux branches des arbres. Les chasseurs ouvrirent alors des sacs épais et enlevèrent des arbres les serpents endormis, comme s’ils cueillaient un fruit mûr.

Ils agissaient si rapidement que les reptiles ne s’apercevaient de rien. Liang dit à tous d’attraper des serpents ni trop gros, ni trop petits, les gros étant trop pénibles à porter, et les plus petits n’ayant que peu de viande. Il valait mieux laisser ces derniers grandir en vue des années à venir.

La capture des serpents aux sourcils noirs se déroula sans encombre jusqu’à ce que Caillou marche accidentellement sur la queue tachetée de noir d’un gigantesque spécimen. Ce dernier prit Caillou pour une vulgaire pierre et l’envoya voler dans les airs.

Ce serpent à sourcils noirs était vraiment gigantesque. Il bondit en avant et ouvrit son énorme gueule en sortant sa langue de serpent écarlate. On pouvait également sentir une odeur de pourriture particulièrement forte émaner de son corps. Sa puissante queue balaya brusquement les quelques chasseurs sur le côté. Liang craignait que son partenaire ne soit avalé par le reptile. Avec suffisamment de temps, cet animal pouvait facilement engloutir le corps d’un homme, et Liang avait déjà eu l’occasion de voir un grand serpent à sourcils noirs avaler un énorme crocodile.

On put alors voir une flèche plantée dans l’œil du serpent ; les plumes noires au bout de l’arme faisaient comprendre qu’il s’agissait de celle de Liang.

Tordant le corps sous l’effet de l’intense douleur, le grand serpent chargea devant lui, ignorant que le choix le plus judicieux aurait été de fuir.

La gueule ouverte, il sortit sa langue fourchue pour percevoir la présence de ces humains qui l’entouraient et le faisaient souffrir.

Liang était en colère à l’égard de ce grand serpent, voisin de leur tribu depuis de nombreuses années, et qui avait donné chaque année de nombreux jeunes à la tribu. Il ne lui aurait jamais infligé cette douleur s’il n’avait voulu avaler Caillou. 

Caché derrière les arbres, Caillou s’écria: « Le serpent est-il devenu fou? »

Liang hurla : « Attention à sa queue. »

Un autre chasseur hurlant de peur fut projeté dans les airs, et atterrit dans un marais proche de là, projetant de toutes parts une grande quantité de boue.

Comme Caillou venait de le dire, le grand serpent était devenu fou, son corps puissant et sa queue balayant follement dans toutes les directions, et sectionnant les arbustes alentours. Il se dirigeait également dans la direction de Liang, qui avait tiré sur l’un de ses yeux. Le reptile voulait manifestement tuer Liang pour se venger.

Ce dernier fit face au reptile avec sa lance et cria pour dire à Caillou et aux autres de s’éloigner.

Le jeune Liang affronta à contre cœur le reptile blessé. Il ne voulait pas le tuer, car ils avaient déjà capturé suffisamment de serpents. Mais ce “roi des serpents” en colère ne voulait pas accepter la trêve, trop humiliante pour lui.

« Caillou, allume la torche ! » cria alors le jeune homme, décidant de chasser le serpent fou avec du feu.

Caillou alluma un flambeau, suivi de plusieurs chasseurs, et le serpent se retrouva rapidement entouré de torches. Impuissant, le reptile regarda les flammes un instant avant de se retourner pour s’éloigner. Au fond de lui, Liang était heureux. Ce bougre s’était enfin résigné à partir.

La journée avait été bien entamée et cette chasse aux serpents leur avait bien creusé l’estomac.

Mais ce qui suivit stupéfia les chasseurs.

Dans le même élan de folie, le grand serpent se redressa brusquement pour s’abattre violemment contre une branche saillante pointée vers le ciel. Telle une lance, la branche d’arbre lui traversa le corps. Liang regarda silencieusement ce grand serpent accroché à l’arbre, perplexe face à l’absurdité de cette scène.

Le garçon retira alors du corps du serpent-roi son immense vésicule biliaire; puis, l’animal fut taillé en une douzaine de morceaux. En effet, même si les hommes respectaient ce grand animal, maintenant qu’il était mort, il constituerait une source importante de nourriture pour tous. Aucun morceau ne pouvait être gâché.

Lors des chasses aux serpents suivantes, les chasseurs allumeraient les torches dès qu’ils auraient attrapé suffisamment de proies. Les serpents-rois étaient les chefs de l’espèce et assuraient sa pérennité. Véritable trésor, le serpent à sourcils noirs ne devait surtout pas disparaître.



Rejoignez-nous et devenez correcteur de Chireads Discord []~( ̄▽ ̄)~*
Volume 1 / Chapitre 1  Menu Volume 1 / Chapitre 3