Relâchez cette Sorcière | Release that witch | 放开那个女巫
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Chapitre 821 : Entretien
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– « Votre invité est arrivé, Monseigneur », annonça une serveuse en écartant le rideau.  

– « Faites-le entrer voulez-vous ? » Répondit Otto Luoxi en lui tendant un Royal d’argent.  « Je voudrais passer un moment seul à seul avec lui. Je vous appellerai au besoin. »  

– « Bien Monseigneur! »

Quelques secondes plus tard, un homme entra, retira sa capuche et jeta un coup d’œil autour de lui :

– « Est-ce là l’endroit discret dont vous m’avez parlé ? » Demanda-t-il. « Si je n’avais pas vu vos gardes à l’entrée, j’aurais pensé que je m’étais trompé d’endroit. »

– « Il n’est pas facile de vous rencontrer depuis quelques temps, aussi j’ai dû prendre des précautions supplémentaires », répondit Otto avec un sourire.

L’homme en question n’était autre que Hill Fawkes, un membre de la délégation des émissaires réputé pour avoir trahi le Roi de l’Aube, tué gardes et chevaliers et fui la Cité de Lumière accompagné de quelques sbires déchus.

Furieux du départ secret de Joël, Alban Misra avait déclaré que ce n’était ni plus ni moins qu’une provocation et un mépris flagrants de la part de Graycastle envers le Royaume de l’Aube. Il avait également affirmé que son père ayant été assassiné par une sorcière, jamais il ne tolérerait une présence aussi perverse sur son territoire.

Mais Otto, qui était bien mieux renseigné, savait, par exemple, que parallèlement à sa chasse aux sorcières, Alban avait envoyé des chevaliers à la poursuite de la délégation, leur ordonnant de tuer sur le champ tous ses membres à l’exception de Joël, et en particulier ces sorcières qui fomentaient avec le pays voisin. Simultanément, des enquêtes étaient menées dans la capitale et Denise, la femme d’affaires qui entretenait une relation intime avec l’ambassadeur, avait été à plusieurs reprises emmenée au palais pour y être interrogée. Quand à Hill et à ceux qui avaient pris l’initiative de rester sur place à titre de contacts, ils avaient mystérieusement disparu.  

Otto n’eut de ses nouvelles que quelques mois plus tard, après que l’évènement ait cessé de mobiliser l’attention du peuple, et c’était la première fois qu’ils se revoyaient depuis leurs adieux.

– « Je vous offre un verre ? » Demanda Otto en tapotant le canapé moelleux. « Je doute que vous ayez souvent l’opportunité de vous faire ce plaisir. »  

Mais au lieu de s’asseoir, Hill se dirigea vers la fenêtre :

– « Nous sommes à l’étage », dit-il. « Où est donc le chemin sûr dont vous m’avez parlé dans votre lettre confidentielle ? »  

L’aîné de la famille Luoxi soupira, se leva et souleva une planche située sous le canapé, révélant un sombre passage.  

– « En descendant ici, vous arriverez dans les jardins. Dans la cour, vous trouverez une porte secrète et un puits sec. Vous pourrez alors sortir par l’un ou l’autre. »

– « Personne d’autre ne connaît ce passage ? »

– « Soyez tranquille, les jardins et la taverne sont la propriété des Luoxi », répondit Otto en haussant les épaules. « Je ne suis pas surpris que Monsieur Joël ait dit de vous que vous étiez un renard. Vous êtes toujours aussi prudent. »

– « Si je ne l’étais pas, je me balancerais au bout d’une corde à l’heure qu’il est. »

Hill prit une pièce dans sa poche, la laissa tomber dans le tunnel, écouta et referma la trappe. « Si vous avez d’autres informations à me communiquer, envoyez-moi une lettre cryptée car il n’est pas prudent de se rencontrer ainsi. »

– « Cette solution n’est pas non plus sans danger en ce qui me concerne car si jamais des informations en provenance du palais venaient à être divulguées, le Roi Alban soupçonnerait aussitôt nos familles. Il est bien loin l’ami qui parlait de tout avec moi », ajouta-t-il avec un soupir.

Hill leva les sourcils mais ne contesta pas.

– « Le Roi de l’Aube aurait-il un nouveau plan ? »  

– « Il a l’intention d’attaquer l’Église d’Hermès et de venger son père », répondit Otto qui lui raconta ensuite ce qu’il avait entendu lors de la réunion à la cour. « Les ministres ont bien essayé de l’en dissuader, mais Sa Majesté n’a rien voulu entendre. Pour l’heure, ils collectent des céréales à la Cité de Lumière et lorsque les Mois des Démons seront terminés et que la neige fondra, il passera à l’action. La Chevalerie Royale rejoindra alors le Duc Kabu, qui gère les Plaines de l’Ouest. »  

– « Pas étonnant que le porridge ait augmenté d’un Royal de bronze!  Heureusement que les provisions du Royaume de l’Aube sont abondantes. À moins de vouloir déclencher une émeute, jamais le Seigneur de Graycastle ne préparerait une guerre durant les Mois des Démons. Y aurait-il un problème avec Hermès ? » Demanda Hill, pensif.

Otto savait très bien pourquoi il posait cette question.  Certes le bruit courait que la Cité Sainte avait subi une défaite cuisante, cependant, il avait été rapporté par la suite que les deux camps auraient regagné leurs territoires respectifs. Les ministres avaient donc convenu qu’en dépit des lourdes pertes subies, l’Église pourrait bien ne pas avoir été totalement vaincue. Si c’était le cas, le Roi de Graycastle aurait depuis longtemps mis la main sur ses richesses accumulées depuis des centaines d’années dans la Cité Sainte, son principal bastion.

Peut-être qu’Alban, profondément impressionné par les Guerriers du Châtiment Divin emmenés par les Purifiées, avait simplement envoyé des éclaireurs afin d’acquérir de plus amples informations, sans pour autant prendre de mesures…  

Pour que les choses changent ainsi, il avait dû faire là-bas une découverte.

Qu’il s’agisse de venger son père ou de profiter du chaos, cela n’avait aucune importance.

– « Sa Majesté ne nous a guère donné de détails, cependant, nous avons appris par des marchands qui revenaient de l’ouest que de nombreux réfugiés avaient fait leur apparition dans la vieille Cité Sainte. »  

– « Des réfugiés ? » Hill se frotta le menton : « Je vais en informer La Cité Sans Hiver. »

« Encore une chose », reprit Otto après un moment d’hésitation. « Le mois dernier, au cours d’une réunion à la cour, le Ministre des Affaires Étrangères a mentionné Graycastle et déclaré que dans la mesure où Roland Wimbledon n’avait pas encore été couronné et ne vivait pas au palais, il ne pouvait être considéré comme le véritable dirigeant du royaume. Comme, par ailleurs, beaucoup d’aristocrates s’opposent à lui, en particulier dans la Région de l’Est, il a proposé de les soutenir, prétendant que Wimbledon avait foulé aux pieds l’alliance entre nos deux pays et que par conséquent, il fallait se méfier de lui et réprimer son pouvoir. »

– « Vraiment ? Et qu’a répondu le Roi de l’Aube ? » Demanda aussitôt Hill d’un ton grave.

– « Sa Majesté n’a pas encore fait part de sa réponse, mais à voir son expression… il semblait très intéressé. »

Otto se demanda pourquoi il avait parlé de ces choses à Hill… ou encore à Roland. En effet, à en juger par la situation, il était évident que les relations entre Graycastle et le Royaume de l’Aube allaient se détériorant. La famille Luoxi ayant apporté son soutien aux Misra depuis des générations, il aurait dû se ranger du côté d’Alban.

Mais il ne pouvait se résoudre à accepter sa politique. En effet, lorsque Sa Majesté parlait d’éliminer toutes les sorcières, cela incluait nécessairement Andrea Quinn, qui, contrairement à ce que prétendait le Roi de l’Aube, était loin d’être mauvaise. À maintes reprises, il avait tenté de lui expliquer la différence existant entre les sorcières et les Purifiées de l’Église, mais en vain.

Alban ne le considérait plus comme son bras droit.

De son côté, Otto avait constaté que, même s’il lui donnait le titre de Majesté, il n’avait pas le même respect pour lui que pour le vieux Roi.

Plus il y réfléchissait, plus il était persuadé que, ne pouvant pas changer le statu quo du Royaume de l’Aube, mieux valait reporter ses espoirs sur Graycastle. S’étant rendu à la Cité Sans Hiver, il avait rencontré Andrea et constaté qu’elle menait une vie libre et aisée. S’il voulait que cette situation se poursuive, le règne de Roland devait perdurer.  

– « Je vois », dit Hill en baissant la voix. « Ne vous inquiétez pas, son plan n’a aucune chance d’aboutir. »

Otto acquiesça et prit une profonde inspiration :

– « Dans ce cas… pourriez-vous me donner des nouvelles de Mlle Quinn ? »  

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