Relâchez cette Sorcière | Release that witch | 放开那个女巫
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Chapitre 606 : Père et fille
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Lorsque le Duc Calvin arriva au Château de la Forêt de Jade, Edith était déjà là qui l’attendait dans la grande salle.  

– « Ma chère fille… »

– « Pourquoi êtes-vous si en retard ? » Coupa-t-elle, impitoyable.  « Je vous ai écrit il y a un mois pour vous demander de coopérer avec la Première Armée en ce qui concerne les préparatifs de la guerre. Nous devons répondre à tous leurs besoins autant que faire se peut. »

– « En effet. J’en ai immédiatement avisé le Compte Haier de Deepvalley et envoyé notre intendant pour superviser l’affaire. N’est-ce pas suffisant ? » Demanda le Duc, les bras suspendus en l’air dans son élan interrompu vers sa fille.  

– « Il va de soi », répondit Edith d’un ton peu avenant en croisant les bras sur sa poitrine, « que c’est une meilleure preuve de votre sincérité que de venir en personne. Par ailleurs, cette guerre contre l’Église est extrêmement importante. Nous devons vraiment la prendre très au sérieux. »  

– « Mais c’est le domaine du Comte Haier… »

– « Allons, Père! La noblesse va disparaître et vous chicanez sur des questions de domaines et de vassaux! Je pensais qu’après la rébellion des familles Hawes et Lista, vous vous montreriez plus incisif. »

Embarrassé, le Duc Calvin répondit :

– « Et moi, je pensais que ma fille, que je n’ai pas vue depuis des mois, me prendrait dans ses bras pour me dire que je lui ai manqué plutôt que d’aller droit au but sans même nous laisser le temps de nous asseoir. »

– « Vraiment ? » Edith se mit à rire : « Vous n’avez pas perdu votre sang-froid dans votre bureau le jour où vous m’avez traitée de fille indigne et ingrate, prête à mordre la main qui me nourrissait. Si je ne me trompe pas, vous aviez envie de casser quelque chose mais vous avez renoncé car l’objet en question coûtait trop cher. »

Le duc faillit s’étrangler :

– « Je… »

« Bon sang, qui a bien pu le lui raconter », pensa-t-il.

Avant même qu’il n’ait eu le temps de répondre, Edith s’était avancée vers lui.

Elle le prit dans ses bras :  

– « Bienvenue à Deepvalley, Père. Vous voilà satisfait à présent ? »

Sa colère retomba aussitôt. Il caressa les cheveux de sa fille et se sentit pris d’un sentiment mitigé.

Il lui arrivait parfois de se demander comment Edith avait pu devenir si talentueuse et si belle. Quoiqu’issue de son premier mariage, la personnalité d’Edith était très différente de celle de sa mère biologique et de la sienne. Sans sa ressemblance avec sa défunte épouse, il aurait presque pu douter qu’elle était bien sa fille.

Cependant, lorsqu’ils s’étreignirent, le Duc ressentit à nouveau les liens du sang qui les unissaient. Elle était la Perle de la Région du Nord, un joyau qu’il avait élevé seul.

Au bout d’un moment, Edith le repoussa sans ménagement :

– « Vous sentez la sueur.  Je vous suggère d’aller d’abord vous laver. Je vous ai rapporté des savons parfumés de la Cité Sans Hiver. Essayez, c’est bien mieux que la saponine. »

– « Rien ne presse », répondit Calvin en regardant autour de lui. « Où est le Comte Haier ?  Pourquoi n’est-il pas venu me saluer lorsque je suis arrivé ? »

– « Je lui ai dit de retourner à son manoir à la périphérie de la ville »

– « Comment ? » S’exclama le Duc, stupéfait, en regardant sa fille.

Edith haussa les épaules :

– « Il n’a que faire de la volonté de Sa Majesté ou de vos ordres. Si je n’étais pas arrivée à temps, il aurait certainement poussé à bout tous les soldats des troupes d’avant-garde. Tout le monde ne peut pas voir la route devant ses pas et certains n’ont même pas le courage d’ouvrir les yeux pour regarder. Inutile de perdre une seconde avec eux, l’option la plus sage étant de le chasser.

– « Et il vous a remis docilement le château et les villes ? »

– « Bien sûr que non », répondit-elle, « mais j’avais la Première Armée avec moi. Il ne lui a fallu qu’une journée pour conquérir la Cité du Roi, aussi, que voulez-vous qu’une douzaine de Chevaliers puissent faire contre elle ? »

« Je ne sais pas si c’est une illusion ou non, mais Edith a beaucoup changé au cours des deux derniers mois. Son sourire n’a plus rien à voir avec cette expression de circonstance qu’en sa qualité d’aristocrate, elle affichait en public. Il est beaucoup plus sincère et je vois dans ses yeux une lueur que je ne lui avais plus jamais revue depuis qu’elle est devenue adulte », pensa Calvin.

De toute évidence, elle aimait la vie qu’elle menait à présent. Tout au moins, elle semblait beaucoup plus heureuse qu’elle ne l’était dans la Région du Nord.

À la voir ainsi transformée, il ressentit un léger sentiment d’envie mêlé d’émotions complexes.  

Peut-être, comme ça fille l’avait prédit, qu’en perdant leur statut de nobles ainsi qu’une partie de leurs droits, ils avaient du même coup brisé les chaînes qui les retenaient liés à leurs territoires.

À présent, Edith avait tout l’avenir devant elle. Elle allait pouvoir se rendre où elle voulait et mener une vie complètement différente de celle qu’elle connaissait dans la Région du Nord.

En entrant dans le bureau, Calvin but deux tasses de thé noir et soupira :

– « Si je comprends bien, il ne nous reste plus qu’à attendre ici l’arrivée de Sa Majesté ? »

Edith ouvrit son carnet :

– « Pas exactement. Tout d’abord, nous devons faire porter tout ce qui est nécessaire à la guerre à Deepvalley : la nourriture, les chevaux, les vêtements, du tissu, des herbes et tout ce qui peut leur être utile. Par ailleurs, j’ai reçu une nouvelle lettre chiffrée de Sa Majesté qui demande que soient également livrés ici des lingots de fer et de cuivre. Plus il y en aura, mieux ce sera. »  

« Mais il va piller toute la région du Nord », pensa le Duc.  

– « Croyez-vous vraiment que Sa Majesté soit en mesure de vaincre l’Église ? »

– « S’il ne parvient pas à attaquer Hermès ni à éradiquer totalement l’Église, il n’aura aucun mal à l’empêcher d’envahir le Royaume depuis la Crête du Vent Glacé. » Elle marqua une pause avant de conclure : « Ce dont Sa Majesté a le plus besoin à présent, c’est de temps. »

– « De temps ? »

Edith regarda son père :

– « Comme vous n’avez pas vu ses usines, vous ne pouvez pas vous faire une idée de la puissance de la Cité Sans Hiver. Chevaliers, mercenaires, Juges ou fervents croyants, tous sont égaux devant leurs balles. Leurs usines en fabriquent en permanence et il ne faut que quelques minutes à un citoyen pour apprendre à utiliser leurs armes à feu. Un mois d’entraînement et ils peuvent aller tuer l’ennemi sur le champ de bataille. Au bout de trois mois, ils sont en mesure d’intégrer l’invincible Première Armée. »

– « Où voulez-vous en venir ? »

– « Père, la vitesse de production des balles est beaucoup plus rapide que le taux de croissance des êtres humains. Cela n’a rien à voir avec les épées ou les armures. Aidé de dix apprentis, un forgeron peut à peine fabriquer dix armures et trente épées en un an tandis qu’une seule usine produit des centaines de balles par jour. Après avoir éradiqué les chevaliers armés d’épées, ils pourront fournir l’excédent de balles à tous ceux qui souhaitent devenir chevaliers et le lendemain, celles-ci seront remises aux citoyens. En un mois, les balles pourraient bien transformer cette ville en une ville fantôme. »

Calvin ne savait que répondre.

« Il est naturel que vous ne me croyiez pas. Tout ceci peut sembler absurde de prime abord mais lorsque j’ai participé à la Campagne d’Extraction de Dents de la Première Armée, j’ai vu de mes yeux comment ils traitaient leurs ennemis », expliqua doucement Edith. « À partir du moment où la Première Armée tient la ligne de défense, Sa Majesté finira par l’emporter. Trois mois plus tard, la Cité Sans Hiver aura formé de nouveaux soldats et produit les armes dont ils ont besoin tandis que dans un si court laps de temps, la nouvelle Armée des Juges ne sera même pas encore en mesure de savoir manier une épée. »

Il y eut un court moment de silence après quoi le Duc écarta les mains et dit :

– « Soit, je suis tout disposé à croire tout ce que vous venez de me dire. Mais si vous avez une si bonne opinion de Sa Majesté, pourquoi n’avez-vous jamais répondu à mes lettres ? Je veux parler de celles où je vous suggérais de…. l’épouser. »

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