Relâchez cette Sorcière | Release that witch | 放开那个女巫
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Chapitre 497 : Un départ chaotique
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Au port de Longsong, dans la Cité Sans Hiver.  

Deux navires en ciment furent amarrés et des ouvriers transportèrent des sacs de toile sur le rivage. Des fonctionnaires récemment nommés au Ministère de l’Agriculture les comptaient. Le port entier était en effervescence, ce qui était rare à la Forteresse qui vivait encore les conséquences des Mois des Démons. Lorsque le grain aurait été inspecté et les sacs comptés, ils seraient directement distribués à tous les agriculteurs.

– « Votre Altesse, les graines de Dorés peuvent-elles vraiment tripler la production de blé ? » Demanda Petrov, encore un peu sceptique. « Dans ce cas, ne suffirait-elle pas à nourrir tous les habitants de cette ville ? »

Barov avait fait pratiquement la même remarque à Roland. Pour la plupart des nobles, la faim constante était assez commune parmi les civils.

– « Nourrir tous ses sujets est la responsabilité fondamentale d’un seigneur. Nous ne faisons là que le premier pas. Ce n’est pas seulement de la bienveillance de ma part, car des sujets affamés ne sont pas en mesure de se consacrer à la construction de la ville. »

– « Mais il ne fait aucun doute que c’est un accomplissement remarquable. Pour autant que je sache, aucune autre ville dans ce royaume n’y est parvenue. »

– « C’est en effet un succès, cependant, je n’y ai que très peu contribué. Le mérite en revient surtout aux sorcières car si Chloris n’avait pas modifié le blé, les Dorés n’existeraient pas. »

Petrov demeura un moment silencieux.

– « Peut-être avions-nous vraiment tort auparavant. »

– « Que voulez-vous dire ? »

– « Nous avions une mauvaise attitude envers les sorcières », répondit Petrov. Il soupira profondément : « Même si la plupart des nobles ne se souciaient pas de la propagande de l’Eglise, nous méprisions tout de même les sorcières et nous méfions d’elles. Il n’était donc pas difficile pour nous d’accepter la violence de l’Eglise. Même lorsque nous avions recours aux sorcières, nous les traitions comme des esclaves. Seule Votre Altesse a su voir leur véritable valeur et les a traitées comme des êtres humains. C’est cela le plus incroyable. Elles sont vraiment très spéciales. »

– « Vous avez non seulement ignoré la valeur des sorcières, mais également la puissance du peuple, qui est encore plus impressionnante.  Les sorcières sont une sorte de catalyseur : lorsqu’elles collaborent avec les gens ordinaires, d’impressionnantes améliorations peuvent se produire au sein de la civilisation. »

Cependant, Roland se garda bien de dire le fond de sa pensée : « Nous pouvons toujours rattraper le temps perdu, après tout, nous sommes tous semblables. »

– « Votre Altesse, la chaudière est prête, et le “Victoire” est prêt à partir », l’informa un garde.

– « Dites à tout le monde de monter à bord du bateau, je vous rejoins dans un instant »

Le prince se tourna vers Petrov : « L’équipe d’instruction du Ministère de l’Agriculture devrait arriver cet après-midi pour vous montrer comment semer les Dorés. Quant à la construction de la mine, à la croissance démographique, à l’éducation universelle et à la construction des usines, nous en avons suffisamment discuté en réunion.  Suivez simplement le plan et avant de me consulter, essayez de résoudre les problèmes que vous rencontrerez. » Il tapota l’épaule de l’aîné des Chèvrefeuille : « Je vous confie cet endroit. Si vous me servez bien, vous ne resterez pas toute votre vie dirigeant de Longsong. »

– « Je ne vous ferai pas faux bond, Votre Altesse », répondit Petrov en s’inclinant.

Roland embarqua sur le navire et donna l’ordre de partir. Un long sifflement retentit et le Victoire, quittant lentement la rive, prit la direction de la Région Frontalière.

– « Il y a combien de bateaux chauves ? » Demanda Joe en faisant claquer sa langue. « Ils viennent tous de Border Town! »

– « On l’appelle à présent la Région Frontalière. Le Seigneur n’a-t-il pas dit que nous faisions à présent tous partie de la même ville ? » Répondit Dent-de-Serpent. Si Joe surnommait ces étranges bateaux sans voile des “Bateaux Chauves”, il préférait le nom de Navires de Pierre. Leurs larges coques grises, qui ressemblaient à des rochers géants, ne bougeaient pas d’un pouce tandis que les ouvriers allaient et venaient.

« Quel est le nom de la ville encore ? »

– « La Cité Sans Hiver », tonna Griffe-de-Tigre.

– « Et alors ?  Nous n’avons rien à voir avec tout ça », s’exclama Joe, tout excité. « Vous allez prendre ce genre de bateau pour Border Town, n’est-ce pas ? Essayez de comprendre comment il peut se déplacer sans rames et ce que sont ce brouillard blanc et cette fumée noire qu’il souffle. »

« Cela ne nous concerne vraiment pas », pensait Dent-de-Serpent. « Au moins, la construction de la ville donnera du travail à tous. »

– « Vous envisagez vraiment de partir ? » Demanda Tournesol, visiblement contrariée. « Si vous devez travailler comme hommes à tout faire, peu importe où vous vous trouvez.  Pourquoi iriez-vous dans un endroit que vous ne connaissez pas ? »

– « Pour gagner un Royal d’argent supplémentaire », répondit Griffe-de-Tigre en riant. « Si nous restons ici, nous pourrons gagner six Royals d’argent mais si nous nous rendons là-bas, nous en gagnerons sept. Si nous avons le choix, nous choisirons évidemment celui qui rapporte le plus. »  

– « Ce n’est pas à vous que je posais la question », répondit Tournesol.

Elle leva les yeux au ciel et tourna son attention vers Dent-de-Serpent.

Pour une raison quelconque, ce dernier se sentit soudain un peu coupable. Une fois la Cité Sans Hiver fondée, le Seigneur avait tenu sa promesse et d’innombrables avis de recrutement avaient soudain fait leur apparition sur la place. Cependant, très peu d’options s’offraient aux rats. La plupart du temps, les emplois qui leur étaient proposés étaient des postes d’hommes à tout faire ou d’apprentis maçons, assortis d’un salaire inférieur à celui des autres. Bien entendu, c’était tout de même mieux que de manquer de nourriture comme autrefois, si toutefois les salaires étaient payés en temps et en heure, comme indiqué dans l’annonce.  

À ses amis, il avait annoncé sa décision de se rendre à Border Town en raison du salaire plus élevé mais en réalité, ce qu’il voulait, c’était se rapprocher de Page-Blanche. Devant le regard intense de Tournesol, il décida de ne pas dire la vérité :

– « Pour les mêmes raisons que Griffe-de-Tigre. »

– « Reviendrez-vous un jour ? »

Soudainement, le hurlement d’une sirène retentit sur le port et un drapeau rouge s’agita.

– « C’est à notre tour de partir, dépêchez-vous! » Dit Griffe-de-Tigre.

Il attrapa la main de Dent-de-Serpent et l’entraîna vers le port.

Au signal de la sirène, la foule commença elle aussi à se déplacer. Lorsqu’ils pénétrèrent dans la zone d’inspection, Dent-de-Serpent se sentit emporté par la masse.  Tenant son bagage bien serré contre sa poitrine, le jeune homme avait beau regarder en arrière, il y avait tant de monde qu’il ne pouvait apercevoir Tournesol ou Joe.

À l’extrémité de la file, des officiers en uniformes noirs vérifiaient les billets.

– « Quel est votre nom ? Votre équipe ? Veuillez présenter vos documents! »

Dent-de-Serpent était juste derrière Griffe-de-Tigre. Il sortit un morceau de papier froissé de sa poche et le tendit précautionneusement à l’agent :

– « Dent-de-Serpent, cinquième équipe de construction, groupe du Drapeau Rouge. »

Ignorant sa présentation, l’agent parcourut son billet et lui donna une tape sur la poitrine en disant :

– « Bateau de gauche. Suivant! »

Griffe-de-Tigre l’attendait déjà à l’entrée.

– « Ils n’ont pas demandé de pots-de-vin, c’est incroyable. »

– « En effet… »

Sans grand enthousiasme, Dent-de-Serpent plia le document, le rangea dans sa poche et scruta le port à la recherche de ses amis.

Ce n’est que lorsque la corne retentit et que le navire de ciment s’éloigna lentement du port qu’il les aperçut enfin sur un escalier de pierre : Tournesol agitait la veste de Joe, pendant que ce dernier, les coudes serrés, était accroupi derrière elle.

Ignorant les regards confus des autres passagers, Dent-de-Serpent enleva lui aussi sa veste et l’agita fougueusement.

À nouveau, leurs regards se croisèrent.

– « Prenez bien soin de vous! » Cria-t-il.  

Apparemment, ses amis aussi lui criaient quelque chose, mais leurs voix étaient couvertes par le bruit du moteur.

Tournesol suivit un moment le bateau le long de la rive, mais le navire qui s’éloignait disparut bientôt à sa vue.

Dent-de-Serpent n’avait pas réussi à lui donner de réponse.

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