Comment un pouvoir magique pouvait-il avoir une telle forme ?
Incrédule, Sephora “toucha” le bord du métal. C’était sa façon particulière de ressentir le pouvoir magique. Une fois que le canal était connecté, elle pouvait voir, toucher, et même sentir les pouvoirs magiques des sorcières, un peu comme si elle entrait dans leurs corps.
La surface dure, froide et aussi lisse qu’un miroir reflétait chaque détail du fil en forme de tentacule. Lorsque le cordon d’énergie, semblable à une antenne, atteignit le cube, il rebondit aussitôt.
– « Détendez-vous », dit la Marquise pour la réconforter. « Ils sont inoffensifs. »
Elle n’était pas certaine que sa capacité puisse affecter ce cube métallique étant donné que visiblement, le pouvoir magique d’Anna n’était pas fluide.
Après plusieurs tentatives, l’antenne parvint à se coller au cube.
Cependant, la transmission du pouvoir magique n’opérait pas.
– « Que se passe-t-il ? », demanda Rossignol en s’apercevant que quelque chose n’allait pas.
– « Je n’ai jamais… transféré un pouvoir magique de ce genre. À la différence de l’air qui peut être facilement transféré, celui-ci est bien trop massif », répondit Sephora. Elle avait la gorge sèche : « Aussitôt le canal connecté, le pouvoir magique aurait dû être absorbé par le ‘pivot’. »
– « Je vais essayer de le charger avec mon pouvoir magique », dit soudain Anna. « De la même manière que lorsque j’utilise le Sceau de la Divine Volonté. »
– « Veillez à ne pas en injecter trop à la fois », recommanda le Prince.
Le Sceau de la Divine Volonté ? Sephora constata que depuis qu’elle était arrivée dans cette petite ville, elle avait entendu plusieurs termes qu’elle ne connaissait pas.
Tandis qu’elle méditait, le pouvoir magique dans le corps d’Anna se mit soudain à changer.
Le miroir parfait était brisé et la surface du métal ondulait. Comme propulsé par quelque chose, un liquide terne se précipita dans le tube jusqu’à la boule flottante.
Elle sentit qu’il devenait pesant.
À la différence d’un tourbillon de pouvoir magique, ce liquide était très lourd. Le transférer dans le pivot revenait à y envoyer des morceaux de lingot de fer. Sephora s’aperçut qu’elle consommait une quantité croissante de magie.
C’était à peine croyable. Elle qui, d’habitude, pouvait exercer sa capacité une demi-journée durant ne tiendrait pas quelques heures à ce rythme.
En désespoir de cause, elle tira une autre corde de la sphère, la relia à son propre corps et utilisa le pouvoir magique d’Anna pour maintenir le canal.
La boule de lumière fut bientôt pleine tandis que le cube de métal d’Anna n’avait pas changé de forme. On aurait dit qu’elle n’avait perdu qu’une quantité insignifiante de magie.
Sephora aurait vraiment voulu retirer ce qu’elle venait de dire. Elle toussota :
– « Hem… Voilà, le canal peut à présent fournir suffisamment de puissance magique à Melle Lune Mystérieuse. Que faisons-nous ? »
– « Poursuivez », répondit le Prince. Il tendit un cylindre de cuivre à Lune Mystérieuse : « Maintenant, montrez-nous ce que vous êtes capable de faire. »
– « Très bien. »
Lune Mystérieuse prit une profonde inspiration, serra dans ses mains l’objet de cuivre et ferma les yeux.
Tout à coup, le pouvoir magique afflua tel un fleuve en furie.
Sephora vit briller le cube de métal d’Anna tandis que le liquide jaillissait de la sphère centrale qui se remplissait à nouveau. Le canal entier tremblait : on aurait dit qu’il allait se déchirer sous l’effet des turbulences de ce pouvoir magique. La sueur perlait sur le front de la Marquise. Elle avait l’impression d’être face à un tsunami.
De l’autre côté, Lune Mystérieuse avait les joues rouges et le front plissé. De toute évidence, elle aussi subissait l’impact de ces ondes furieuses. Mais comparée à Sephora qui ne faisait que transférer le pouvoir, l’effet, chez elle, devait être immense. Cependant, elle continuait à exercer sa capacité, la preuve en était la rapidité avec laquelle elle consommait le pouvoir magique.
Ces filles étaient incroyables!
Sephora ne savait pas comment elle avait réussi à tenir jusqu’au bout. Lorsqu’enfin le pouvoir magique d’Anna fut épuisé, la Marquise tenait à peine sur ses jambes.
Lune Mystérieuse ouvrit les yeux et, toute excitée, brandit le cylindre de cuivre :
– « Terminé! J’ai réussi! »
– « Bien joué », dit Roland en s’emparant de l’objet avec des pinces de bois comme s’il s’agissait de fer rouge.
– « Qu’est-ce que c’est ? » Demanda la Marquise. « Cet objet ne me semble pas différent de ce qu’il était avant l’expérience. »
– « C’est un aimant puissant avec une force magnétique en constante évolution », répondit le prince. « J’ignore si le fait de le tenir en main peut le relier à la terre. Si tel est le cas, il se déchargera, aussi vaut-il mieux se montrer prudent. »
Sephora cligna des yeux :
– « Pardon ? »
Rossignol sourit :
– « Ne faites pas attention. Seule Anna peut comprendre. »
– « Dans ce cas… quelle est son utilité ? »
– « Essayons-le », proposa Roland en introduisant le cylindre de cuivre dans une machine de fer noire qui se trouvait au beau milieu de la cour. L’engin ressemblait à un tube de fer géant. Un mât de fer aussi épais que le bras partait du centre d’un support de bois. Le prince regarda Lune Mystérieuse : « Enclenchez l’interrupteur. Si cela fonctionne, ce sera une toute nouvelle source d’énergie pour la ville. »
La jeune sorcière acquiesça. Elle saisit le manche de bois situé sur la machine et le poussa de toutes ses forces vers le bas.
Des étincelles jaillirent du bas du dispositif avec un crépitement. À la surprise de Sephora, la tige de fer du milieu se mit à tourner à grande vitesse. Ce tube devait bien peser le poids d’une ou deux personnes. Comment pouvait-il tourner aussi vite ?
– « Avons-nous réussi ? »
– « Pas encore », répondit le Prince.
Il prit une chaise et s’y assit : « Reste à savoir combien de temps cela va fonctionner. »
Sephora remarqua qu’il y avait quelque chose qui brillait dans les yeux de Roland alors qu’il regardait la machine en fer brut. C’était comme s’il regardait un bijou brillant.
Trois jours plus tard, Roland poussa la porte de l’arrière-cour du Versant Nord de la montagne. Au bruit qu’il fit, Anna laissa là son travail et se précipita pour le saluer. Visiblement, elle était toute excitée :
– « Ça marche encore », dit-elle.
Avant même qu’elle ne le lui dise, le Prince avait entendu le bruit du moteur électrique. Pour lui, ce bruit était presque aussi mélodieux que les sons en provenance de la nature. Cela signifiait que le cylindre à noyau magnétique variable, sous l’effet de la puissance magique de Lune mystérieuse, fonctionnait parfaitement. Il constituerait une source d’énergie très utile.
Roland se dirigea vers le centre de la cour et aperçut Lune Mystérieuse, assise à côté du moteur. Le menton posé sur ses mains, elle fixait la machine noire. Visiblement, la jeune fille s’ennuyait.
– « Votre Altesse, lorsque vous avez dit que mes capacités avaient un grand potentiel, faisiez-vous allusion à ceci ? Cette machine n’est guère différente d’une machine à vapeur. »
– « Ce n’est qu’un premier pas pour changer le monde », répondit Roland, rayonnant. « Vous pourrez bientôt constater à quel point ceci va transformer notre petite ville. »
Chaque pas en avant dans l’histoire de l’humanité était indissociable de l’énergie. À celle-ci, on aurait même pu, dans une certaine mesure, évaluer le stade d’évolution d’une civilisation. De la vapeur à l’électricité, de l’électricité au nucléaire, la percée de l’énergie stimulait généralement la production industrielle. Le cylindre à noyau magnétique variable alimenté par la puissance magique de Lune mystérieuse était une nouvelle forme d’énergie. Il ressemblait à une immense batterie capable de transformer la puissance magique en énergie électrique. Sa petite échelle de fabrication en limitait l’application, aussi ne pouvait-on en attendre une réforme énergétique. Mais en complément de la machine à vapeur et du moteur à combustion interne, c’était une source d’énergie parfaite.
En outre, le pouvoir magique d’Anna allant grandissant, ce dispositif pourrait certainement être utilisé dans bien d’autres domaines. Lorsque Chloris aurait pris le contrôle de la Forêt aux Secrets et obtenu un approvisionnement massif en pouvoir magique, son potentiel serait inimaginable.
– « Le nom “cylindre à noyau magnétique variable” étant beaucoup trop long, nous l’appellerons ײAurore Iײ », déclara Roland en souriant.
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NDT : Personnellement, j’ai eu quelques difficultés (d’après le peu de description) à visualiser ce que pouvait-être le ײmoteur géantײ de Roland, cependant, je pense après recherches que cette image en est la représentation la plus proche. Bien évidemment, il existe une différence fondamentale en ce sens que la turbine du Prince fonctionne à l’aide d’un noyau magnétique chargé par la sorcière.
(Source : https://www.24heures.ch/vaud-regions/1844-Vevey-s-eveille-a-lindustrie/story/21222437)