Contes Fantastiques du Pavillon des Loisirs | 聊斋志异
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UN COMPAGNON DE LIBATIONS
UNE JEUNE FILLE, REDRESSEUR DE TORT Menu GONG MENGBI

 

Lettré Che, quoique d’une famille très peu aisée, s’adonnait à la boisson et vidait chaque soir trois tasses de vin avant de pouvoir s’endormir. Aussi la cruche de vin au chevet de son lit n’était-elle jamais vide. Une nuit, s’étant réveillé, comme il se retournait sur le côté, il lui sembla que quelqu’un était couché avec lui. Puis il pensa que le vêtement qui le cou-

vrait avait glissé sur le côté. Il tâta et sentit quelque chose au poil fin semblable à un chat, mais en plus gros. Il éclaira: c’était un renard ivre qui dormait profondément. Il jeta un coup d’œil sur la cruche, elle était vide.

— Voilà un compagnon de libations! dit-il en souriant.

Ne voulant pas le réveiller; il lui jeta son vêtement sur le corps et se coucha à ses côtés, laissant la bougie allumée pour observer ses métamorphoses. A minuit, le renard s’étira.

— Quel bon somme, dit le lettré en souriant!

Il souleva alors le vêtement: il vit un beau jeune homme en costume de lettré. Celui-ci se prosterna devant le lit en remerciant Che d’avoir eu la bonté de ne pas le tuer.

—J’ai la passion du vin, dit le lettré, les gens me prennent pour un idiot; vous êtes, vous, mon Bao Shu(Dans les Mémoires historiques de Sima Qian (145-?), chapitre: Recueil de biographies de Guan-Yan (Guan Zhong et Yan Ying), Guan Zhong dit: Ceux qui m’ont donné la vie, ce sont mes parents; celui qui me connaît le mieux, c’est Bao Shu )Nous devrions devenir bons amis amateurs de vin, si vous avez confiance en moi.

Et il le fit remonter dans le lit pour se recoucher tout en disant:

 Vous pouvez venir souvent, n’ayez aucune crainte. Le renard accepta, mais quand le lettré se réveilla, il était déjà parti. Che prépara une cruche de son meilleur vin; et il l’attendit spécialement. Vers le soir, le renard vint en effet; ils se mirent à boire à cœur joie l’un en face de l’autre. Le renard était doué d’une grande capacité de boire et aimait à plaisanter. Ils regrettèrent de ne pas avoir fait plus tôt connaissance.

 Je viens boire si souvent votre excellent vin, dit le renard, comment vous remercier de votre bonté?

 La joie que verse un verre de vin ne vaut pas tant de compliments, dit le lettré.

 Cependant vous n’êtes pas riche; il ne vous est pas facile de trouver de l’argent pour la boisson. Je dois vous procurer quelque argent pour le vin.

Le lendemain soir, il revint lui dire:

—A sept lis au sud-est d’ici, il y a de l’argent qu’on a perdu au bord du chemin; vous pourriez aller le ramasser le plus tôt possible.

Le lettré s’y rendit de bonne heure et trouva en effet deux lingots d’or. Il acheta alors de bons mets pour accompagner le vin du soir.

—Derrière la cour, dit encore le renard, il y a un trésor caché; vous devez l’exhumer.

Le lettré agit suivant ses recommandations et trouva effectivement une centaine de milliers de sapèques. Fou de joie, il dit:

— J’ai maintenant ce qu’il faut en poche; je ne crains plus de manquer d’argent pour acheter du vin.

—Mais non, fit le renard; l’eau d’une ornière ne saurait être inépuisable. Il faut donc trouver un autre moyen.

Un jour, le renard dit au lettré:

— Le prix du sarrasin est très bas sur le marché, mais cette céréale deviendra une marchandise rare sur laquelle on pourra spéculer.

Le lettré, suivant ses conseils, en acheta plus d’une quarantaine de dan*(Un dan égale 10 hectolitres), tandis que les gens se moquaient de lui. Peu de temps après vint à sévir une grande sécheresse: les plants de riz et le soya séchèrent sur pied; il n’y avait que le sarrasin qu’on pouvait encore semer. Le lettré en vendit comme semences et fit un bénéfice de dix fois supérieur à sa mise. Dès lors il accrut encore sa richesse en acquérant deux cents mu de terre fertile. Chaque fois qu’il devait semer soit du blé soit du millet, il obtenait toujours une bonne récolte en prenant conseil du renard, qui lui indiquait le moment favorable pour les semailles. En un mot, c’était le renard qui décidait de tout. Devenu de plus en plus familier, il appelait la femme du lettré belle-sœur et traitait le fils comme son propre enfant. Plus tard quand le lettré mourut, le renard ne revint plus.



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