Chapitre 81 : Entraînement à l’Artillerie
Chaque jour, le groupe de Van’er devait s’entraîner deux à trois heures durant avec la nouvelle arme, suite à quoi ce dernier était tenu de retourner au mur pour continuer son ancien job ennuyeux. Un des hommes de son dortoir, qui s’était inscrit dans l’équipe des nouvelles armes à feu, se tenait devant lui pour lui montrer sa toute nouvelle arme. Si la discipline n’interdisait pas les luttes intestines, Van’er lui aurait déjà cousu la bouche.
Cependant, le canonnier soupçonnait quelque chose de louche.
« Cela fait à peine quelques jours que mes compatriotes ont rejoint l’équipe des armes à feu, pourtant ils sont déjà autorisés à s’entraîner au tir contre les bêtes démoniaques.
Et nous, artilleurs, nous n’avons même pas le droit de tirer. En outre, les canons sont si lourds qu’il est impossible de les transporter sur le mur. »
Il leva les yeux et s’aperçut que le chemin de ronde était rempli de groupes de deux personnes. Habituellement, tout le monde courait à l’intérieur. Même si c’était raide, c’était toujours mieux que d’interférer avec les mouvements de combat des coéquipiers. Quant aux canons … les deux roues à elles seules étaient plus larges que le chemin de ronde, et utiliser un canon pour tirer vers le bas ne semblait guère pratique.
Se pourrait-il… que ce canon ne soit pas destiné à combattre les bêtes démoniaques ?
L’exercice suivant confirma sa présomption.
Hache-de-Fer emmena les quatre équipes d’artillerie au bord de la rivière. Là, et bien qu’il soit incapable de dire quand et comment il était arrivé là, Van’er découvrit un immense « navire » Non… il n’était pas certain de pouvoir appeler cela un bateau. La coque semblait faite de la même pierre grise qui avait servi à construire le mur, et il était très large, mais de longueur réduite. Mis à part les mâts, cette chose présentait-elle une quelconque ressemblance avec un navire ?
Sur ce point, ses coéquipiers et lui eurent une discussion animée.
– « Il est évident que c’est un pont flottant », affirma Jop qui, le premier, était arrivé à une conclusion. Il appartenait à l’équipe qui accompagnait les navires transportant le minerai à la Forteresse de Longsong. De ce fait, il se croyait souvent bien informé. « Ils ont construit le pont très large pour le rendre plus stable! Pendant mes voyages dans le sud, j’en ai vu beaucoup comme ça. Si c’était un navire, comment le vent pourrait-il le déplacer ? Avant, la rivière était trop large pour traverser à gué, et il y a dix ans, l’ancien pont a été emporté par une inondation. Ce pont flottant est certainement destiné à le remplacer. Il leur suffira d’en placer plusieurs à la suite et de les relier par une chaîne de fer pour plus de stabilité! »
– « Vous n’avez jamais voyagé plus loin que la Forteresse de Longsong, néanmoins vous vous dites bien informé ! », rétorqua Rodney, « S’il s’agissait d’un ponton, pourquoi aurait-il deux mâts ? Ne devraient-ils pas craindre qu’il soit emporté par le vent ? »
– « Et si vous regardez l’extrémité, ne voyez-vous pas un gouvernail ? Les pontons n’en ont pas besoin. »
Nelson se mit de la partie pour aider Rodney. Ces deux frères saisissent toutes les occasions possibles pour passer leur colère : « En plus, regardez la construction entre les deux mâts, ne dirait-on pas une cabane ? Il n’est pas encore terminé, mais c’est un bateau, cela ne fait aucun doute. »
Cette conversation intéressait fort peu Van’er, préoccupé par le contenu du prochain entrainement. Par chance, il n’allait pas tarder à savoir de quoi il retournait.
Hache-de-Fer leur demanda de mener les chevaux qui transportaient le canon jusqu’à Little Town. Oui, c’était le nom que Son Altesse avait personnellement choisi pour le bateau.
En entendant cette entrée en matière, le visage de Jop se figea, tandis que les deux frères affichaient une expression triomphante. Ils traînèrent le canon sur le pont du navire.
Là se trouvaient deux groupes de butées, chacun comprenant quatre poteaux. Ceux-ci étaient situés au milieu du pont, un groupe derrière l’autre. Apparemment, ce navire pouvait transporter deux canons.
Cette fois, Van’er eut la certitude que ces armes n’étaient pas destinées à affronter les bêtes démoniaques. La rivière Chishui coulait du nord au sud, et il n’y avait pas d’autre grande rivière cachée dans la forêt infestée par ces créatures.
Ils embarquèrent pour la première fois et découvrirent immédiatement la stabilité exceptionnelle du navire. Bien que le courant autour de la coque fût rapide, le bateau restait immobile. Les artilleurs avaient l’impression d’être sur la terre ferme. A peine sentirent-ils une petite oscillation lorsque les chevaux grimpèrent sur le navire.
Van’er s’aperçut également que lorsqu’une équipe avait fini de s’entraîner au tir, Hache-de-Fer relevait l’heure et l’inscrivait. Lorsqu’il réalisa qu’il n’y avait que deux places prévues pour les canons, celui-ci comprit que seules les deux équipes les plus rapides obtiendraient une place sur le navire.
Van’er fit discrètement part de sa découverte au reste de son groupe, ce qui les motiva immédiatement. Chacun augmenta d’au moins 10 pourcents ses efforts à l’entraînement. S’ils n’étaient pas choisis pour l’équipe d’artillerie, ils essuieraient une telle humiliation que leur vie deviendrait sans intérêt, et surtout, ils ne seraient pas augmentés!
Van’er dût attendre une semaine pour recevoir sa première formation de tir réel.
Ce jour-là, Son Altesse Royale le Prince vint assister à l’exercice d’artillerie.
Les quatre groupes défilèrent à grandes enjambées, la poitrine gonflée.
Grâce à leur entraînement, son équipe s’était familiarisé avec le chargement du canon, aussi ne leur fallut-il que peu de temps avant de pouvoir tirer.
C’était la première fois que Van’er était témoin du pouvoir d’un canon. Le boulet jaillit avec un rugissement assourdissant et atterrit à environ 500 m de distance, pulvérisant la neige et la boue. A l’œil nu, Van’er ne pouvait pas suivre le boulet de fer.
Il se demanda comment le Prince avait pu réussir à inventer une arme aussi terrible. « S’il fallait faire face à des attaques d’artillerie, même une armure ne serait d’aucune utilité », se dit-il.
Après chaque tir, on changeait d’équipe et le Prince ordonnait à quelqu’un de marquer la position d’atterrissage. Ensuite, il demandait que l’on mesure la distance séparant le drapeau de la bouche du canon. Lorsque tous eurent tiré, et alors que l’équipe de Van’er s’apprêtait à passer pour la seconde fois, on donna l’ordre de modifier l’angle du canon.
Une échelle graduée de 0, 5, 10, 25 et 30 fut placée à son extrémité, là où le chariot était relié. Van’er la vit, mais ne comprit pas ce que cela signifiait. Il lui suffirait de suivre les instructions et tout se passerait bien.
– «Tirez avec un angle de 5!», cria Hache-de-Fer.
Job, qui était le plus fort dans l’équipe de Van’er, prit l’écouvillon, l’inséra dans la bouche du canon, attendit que le crochet qui retenait le canon à angle droit soit enlevé, poussa vers le haut jusqu’à ce que la graduation affiche 5 puis remit le crochet en place.
Le tube du canon pointait à présent légèrement vers le haut, ce qui signifiait que la graduation servait à indiquer le degré d’inclinaison de la bouche du canon.
Lorsque tout fut prêt, chaque groupe procéda à un nouveau tir et la distance fut également mesurée.
Van’er comprenait peu à peu ce que le prince était en train de faire.
Il enregistrait la portée de chaque tir, et plus l’angle du canon était élevé, plus le boulet montait haut.
C’était ici que son expérience de tir à l’arc avait son importance : plus un archer tirait vers le haut, plus loin allait la flèche. Mais concernant le canon, il n’avait pas fait le rapprochement : lorsque la vitesse augmente, la distance de vol est beaucoup plus importante. Soudain, une idée saugrenue lui traversa l’esprit : si le boulet de fer allait de plus en plus vite, pourrait-il ne jamais s’arrêter ?
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À la rivière Chishui, la phase de test de Little Town suivait son cours.
Compte tenu du fait que Wendy serait la force motrice du navire, le personnel devait être absolument fiable. Aussi Roland choisit-il pour constituer le premier équipage des personnes qui connaissaient déjà les sorcières. Carter fut nommé capitaine, Brian timonier, les marins chargés de manipuler les voiles furent choisi parmi les subordonnés de Carter, et Titus Pine, le père de Nana, se vit confier le poste de correspondant.
Ces gens avaient souvent été en contacts avec les sorcières. Comme de surcroît leur mentalité avait changé puisqu’ils s’étaient débarrassés de leurs préjugés envers elles, il ne devrait pas y avoir de problème. A plus forte raison concernant Mr Pine, puisque sa fille bien-aimée était une sorcière.