Sur la Montagne du Dieu de la Guerre, au sein de l’Empire O’Brien, Fain, toujours au stade de Premier Saint et incapable d’atteindre le niveau Divin, ignorait ce qui s’était passé récemment à la Grande Digue de Botha. Mais même de là où il se trouvait, il sentit l’aura des trois experts fuyant les lieux.
« Quelle aura terrifiante », pensa-t-il, surpris, en regardant vers le Sud. « Que s’est-il passé là-bas ? »
Le continent Yulan devenait de plus en plus chaotique et il était fatigué de devoir maintenir seul cet immense empire.
« Dépêchez-vous de rentrer, Maître », pensa-t-il, le Dieu de la Guerre n’étant pas censé rentrer de la Nécropole des Dieux avant trois mois.
Un long moment passa puis soudain, il aperçut au loin une silhouette humaine : c’était Castro.
– « Mon frère », dit respectueusement celui-ci en se posant devant lui. « J’ai des nouvelles à vous communiquer. Linley, Olivier et un homme entre deux âges viennent d’affronter un chauve à la Grande Digue de Botha. »
Les services de renseignements de l’Empire O’Brien avaient en effet reconnu Linley et Olivier, mais pas Desri.
– « Trois contre un ? » S’exclama Fain, surpris. « Pas étonnant que j’ai ressenti cette aura incroyablement puissante en direction du Sud », ajouta-t-il, sachant que Linley avait atteint le niveau Divin.
– « Selon le rapport, la Grande Digue aurait été endommagée, après quoi une multitude de gens sont sortis d’on ne sait où pour se regrouper dans les airs avant de disparaître. Suite à cela, la Grande Digue de Botha s’est reformée », déclara Castro qui, lui aussi, trouvait cela étrange.
Pourtant, c’était exactement ce que décrivait le rapport.
« Disparu ? » Fain comprit aussitôt que c’était dû à la rapidité de certains experts, si impressionnante qu’elle les rendait invisibles aux yeux du commun. « Il semblerait donc que ces Saints soient apparus aux environs de la Grande Digue de Botha! » Pensa-il, n’osant même pas imaginer que bon nombre d’entre eux puissent-être des Divinités, niveau si difficile à atteindre!
– « Les choses se compliquent », dit-il, irrité. « Mais je n’ai pas l’intention de m’en mêler. Je vais attendre que le Maître revienne. »
Soudain, près d’un millier de silhouettes apparurent dans les airs au-dessus de la Capitale Impériale de l’empire O’Brien.
« Ce… ce sont… »
De nombreux citoyens levèrent les yeux, incrédules. À leur connaissance, mis à part les Mages d’affinité Vent, les personnes capables de voler étaient généralement des saints. Mais il y en avait tellement!
« Ce ne sont tout de même pas tous des Saints! » Se dirent-ils, incrédules et persuadés qu’il devait y avoir des Mages parmi eux.
Le chef était un beau jeune homme vêtu d’une longue robe dorée éblouissante. Derrière lui, suivaient trois experts, eux-mêmes suivis d’une multitude d’autres qui volaient dans un ordre spécifique. Enfin suivaient des centaines de Premiers Saints, les plus faibles du groupe. »
– « Voilà donc le plus grand empire du continent Yulan ? » Dit en riant le beau jeune homme. « Et ils vénèrent un certain O’Brien ? »
– « Oui, Seigneur Adkins [A’de’jin’si]! » Répondit respectueusement un vieil homme aux cheveux argentés qui le suivait, sur un ton dédaigneux. « D’après nos estimations, cet O’Brien qui ne s’entraîne que depuis cinq mille ans, doit avoir le pouvoir d’un Demi-Dieu.
– « Dans ce cas, la montagne que nous avons devant nous est certainement celle du Dieu de la Guerre », dit le jeune homme. Puis, secouant la tête, il ajouta : « Pour oser se faire passer pour le Dieu de la Guerre, ce Demi Dieu doit être assez imbu de lui-même. Par ailleurs, je n’aime pas du tout ces montagnes. »
– « O puissant Seigneur Adkins, permettez que votre subordonné détruise cette petite montagne disgracieuse », dit un jeune homme aux cheveux courts et argentés.
Puis, voyant que son Seigneur ne lui donnait pas d’autre ordre, il balaya l’air de son bras.
Aussitôt, d’innombrables quantités d’essences élémentaires se rassemblèrent au-dessus de l’énorme montagne du Dieu de la Guerre et un sourd grondement se fit entendre.
« Que se passe-t-il ? » Se demandèrent les disciples honoraires et personnels du Collège du Dieu de la Guerre qui avaient senti les essences environnantes se modifier de façon spectaculaire.
Le jeune homme aux cheveux argentés eut un rictus et agita la main.
Immédiatement apparurent dans les airs une quantité impressionnante de lames de vent formées par un sort de Niveau Interdit, la Tempête Destructrice, Sauf que chacune de ces lames était cent à mille fois plus puissante et émettait une faible lumière dorée tout en filant vers le bas.
– « Vite! Fuyez! » Entendit-on depuis la montagne.
Mais ces lames étaient si rapides qu’elles encerclèrent les Saints et les frôlèrent avant même qu’ils n’aient eu le temps d’esquiver.
Sous l’assaut des lames dorées, l’immense Montagne du Dieu de la Guerre, ses rochers, ses arbres, et sa végétation furent broyés et réduits à l’état de gravats, y compris Castro et Blumer, qui, tous Saints qu’ils étaient, n’avaient pas tenu plus d’une seconde.
Des hurlements terrifiés et désespérés retentirent et en quelques secondes, les Saints furent réduits en miettes.
À l’endroit où, quelques instants auparavant, se dressait la Montagne du Dieu de la Guerre, il ne restait plus qu’un immense cratère d’une profondeur incommensurable.
– « Hmm, pas mal! » Fit le beau jeune homme avec un sourire satisfait.
Aussitôt une lueur de joie passa dans les yeux de l’expert aux cheveux argentés. Il s’inclina respectueusement et retourna dans la file.
Soudain, le chef, qui était incroyablement puissant, fronça les sourcils en s’apercevant que Fain, tout au fond du cratère, avait survécu au baptême des lames de vent. Il avait réussi à se protéger la tête et tout son corps se régénérait à une vitesse étonnante. Terrifié, il volait à grande vitesse sous terre, en direction de l’Est.
Contrarié, l’expert aux cheveux argentés s’apprêtait à descendre lorsque le beau jeune homme ordonna avec un regard froid :
– « Revenez! Je suis de bonne humeur aujourd’hui et puisque ce petit a survécu, je lui accorde la vie sauve », dit le chef en souriant.
Comme s’il était soudain sous contrôle, l’interpelé se mit à planer dans les airs, incapable de descendre plus bas.
– « Tout de suite! » Répondit le jeune expert aux cheveux argentés qui fit demi-tour, terrifié.
– « Lorsque vous verrez ce fameux O’Brien, jeune homme, faites-lui savoir qu’Adkins est désormais en possession de son empire », dit-il mentalement à Fain. « Dites-lui aussi qu’il est préférable qu’à l’avenir, il ne se fasse plus appeler Dieu de la Guerre, car ce titre me rend mal à l’aise. »
Toujours caché profondément sous terre, Fain, qui s’était déjà régénéré jusqu’à la taille, pensa, bouleversé : « C’en est fini, c’en est fini… »
Le cœur tremblant, il revoyait ces innombrables lames de vent auxquels lui, un Premier Saint, n’avait pu survivre qu’en protégeant sa tête à l’aide de son artefact divin et s’il y était parvenu, c’était uniquement parce qu’il s’agissait d’une attaque à grande échelle.
Sans sa Perle de Vie et si l’adversaire lui avait accordé la moindre attention particulière, il n’aurait pas survécu.
« C’est terrifiant », pensa-t-il, le souffle coupé. « Adkins veut que je transmette ce message au Maître ? »
Soudain, il eut le sentiment que ces experts, apparus subitement, étaient bien plus puissants que son maître O’Brien, le Dieu de la Guerre.
« Il ne me reste plus qu’à aller trouver Linley », se dit-il, le cœur plein d’amertume à l’idée que ses disciples honoraires et personnels aient péri avec la montagne. Seuls deux d’entre eux, qui faisaient partie de la Sainte-Alliance et étaient chargés de mener les guerres, étaient encore en vie.
« Si jamais Olivier apprenait que Blumer est mort… » Pensa Fain qui était en proie à une terrible migraine.
Pendant ce temps, dans les airs…
– « Depuis quand Beyrut a-t-il pris le contrôle du Plan Yulan ? » Demanda le jeune chef, mécontent, en fronçant les sourcils. « Dites-moi tout ce que vous savez sur lui. »
« Seigneur Adkins, votre serviteur a vécu autrefois sur le continent Yulan. C’est là que j’ai entendu parler de Beyrut, une Créature Magique de niveau Divin, devenu Demi-Dieu une fois entré dans l’âge adulte. Cependant, il possède un pouvoir tel qu’aucun d’entre eux ne pouvait rivaliser avec lui. Par la suite, il a été envoyé à la Prison du Plan de Gebados et je ne suis pas certain de savoir ce qu’il est devenu. »
– « À votre époque ? Il me semblait pourtant que ce Beyrut n’avait que quelques centaines de milliers d’années », dit le jeune homme avec dédain.
– « Beyrut est un Dieu Supérieur, Seigneur Adkins », s’empressa de répondre le vieil homme aux cheveux argentés. « Je ne sais pas exactement ce qui s’est passé ensuite, mais alors que je me trouvais à la Prison, j’ai entendu dire que lors de la Guerre de l’Apocalypse qui a eu lieu il y a dix mille ans, il était même en mesure de tuer des Dieu Supérieurs! »
Le beau jeune eut un ricanement :
– « Quelle sorte de Dieux Supérieurs ? Peut-on comparer quelqu’un qui aurait atteint ce niveau en raffinant une Étincelle Divine avec un autre qui y serait parvenu par ses propres découvertes ? Par ailleurs, pourquoi la Prison de Gebados compte-t-elle cinq Rois alors qu’il y a des Dieux Supérieurs parmi les prisonniers ? Malgré toutes ces années, nul n’a jamais été en mesure d’évoluer. Un seul de ces Rois pourrait facilement éliminer dix de ces Dieux Supérieurs qui, certes, connaissent les Lois mais n’ont aucune idée de la manière de les utiliser.
Je ne suis peut-être pas un Roi, mais je n’aurais guère de mal à tuer plusieurs Dieux Supérieurs ordinaires à la fois », dit-il, confiant.
Le vieil homme aux cheveux argentés comprit aussitôt les intentions de son maître. De toute évidence, il voulait éliminer Beyrut.
– « Ne sois pas si téméraire, Seigneur Adkins, car ce fameux Beyrut est l’Émissaire du Souverain! C’est lui qui contrôle la nécropole des dieux! »
À ces mots, les sourcils d’Adkins se contractèrent.
« Il est très probable que le Souverain lui ait fait don d’un artefact », mentit intentionnellement le vieil homme. En réalité, nul ne le savait cependant, il ne voulait pas que son maître, qui venait à peine de s’évader, affronte un expert de même niveau dans un combat à mort. Si jamais il perdait ?
– « Très bien, je ne m’occuperai pas de ce Beyrut pour le moment », dit Adkins en se tournant vers le continent. On aurait dit qu’il se remémorait les innombrables années qu’il y avait passé.
« Quel dommage », pensa-t-il. « Et dire qu’autrefois, même après sa scission en cinq territoires suite à une grande guerre, le continent Qingya était des milliers de fois plus vaste que ne l’est l’actuel Yulan, le seul des cinq qui n’ait pas été détruit. »
Ce jour-là, l’agitation régnait au Château du Sang de Dragon.
Une fois les frontières de l’Empire O’Brien franchies, Fain, qui voyageait sous terre, remonta à la surface et prit son envol en direction du château.
Sitôt arrivé, il se rendit directement dans la salle principale.
– « Linley! » Appela-t-il.
– « Père, le Seigneur Fain est ici », annonça Taylor depuis le seuil de la porte.
Aussitôt, suivis de tout un groupe de Saints, Linley, Delia, Desri et Olivier sortirent de la salle.
– « Vous semblez bien mal en point, Fain. Que s’est-il passé ? » Demanda aussitôt le maître des lieux.
Si Fain s’était changé dès son arrivée, son visage était sale et couvert de poussière et il semblait complètement paniqué. Comment, en de telles circonstance, aurait-il pu penser à soigner son apparence ? C’était déjà incroyable qu’il ait eu l’idée de se changer.
– « C’en est fini de la Montagne du Dieu de la Guerre, fini de l’Empire O’Brien… qui n’appartient plus désormais à mon Maître », déclara amèrement Fain en secouant la tête.
En effet, alors qu’il se trouvait au sommet de la montagne, il avait été témoin de la force de l’ennemie dont il estimait les effectifs à près d’un millier d’experts.
« Vous dites que votre montagne a été détruite ? » Demanda Dixie, qui se tenait derrière Linley avec quelques Grands Mages Saints.
– « Pourquoi êtes-vous… »
Fain fut un peu surpris de voir Dixie qui, après des dizaines d’années d’entraînement, avait lui aussi atteint le niveau de Grand Mage Saint.
– « Nous avons eu un peu plus de chance que vous », dit ce dernier avec un sourire amer. « Cependant, d’un seul coup, l’ennemi a détruit le palais impérial de l’empire Yulan. Deux de mes camarades apprentis en poste là-bas sont morts sur le coup tandis que nous autres fuyions. Notre empire, lui aussi, est sur le point de tomber entre les mains d’un nouveau maître! »
– « Pourquoi êtes-vous venu seul ? Où est mon petit frère ? » Demanda soudain Olivier.
Abasourdi, Fain ne savait que répondre.
– « Cela ne me dit rien qui vaille », dit Linley dont le visage avait blêmi, en regardant vers le Nord. « J’ai bien peur que la même chose ne se produise au sein de notre capitale. »
– « Et Cena… » Intervint Wharton, nerveux lui aussi.
– « Attendez-moi ici », dit soudain Linley qui craignait que son empire ait subi le même type d’attaque que les deux autres.
Sans perdre un instant, il prit son essor au maximum de sa vitesse et disparut à l’horizon, vers le Nord.