Relâchez cette Sorcière | Release that witch | 放开那个女巫
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Chapitre 890 : Votre Sainteté…Isabella
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Lorsqu’elle revit la ville, Isabella se sentit submergée par les émotions.  

En seulement un an et contre toute attente, l’Église, qui, jusque-là, était le seul espoir de l’humanité pour éradiquer les Diables, était devenue une entrave au succès de la race humaine dans la Bataille de la Divine Volonté.

Bien qu’elle ait longtemps vécu dans cette ville, la sorcière n’avait guère d’attaches sensibles vis-à-vis de l’Église. Elle entendait encore les enseignements de Sa Sainteté O’Brien selon lesquels la fin était plus importante que les moyens.  Si l’humanité ne parvenait pas à triompher des Diables, tous leurs efforts auraient été vains.

Toute sa vie elle avait suivi les instruction d’O’Brien et si elle avait finalement choisi de soutenir Cléo plutôt que l’Archevêque Mayne, c’était parce qu’elle était convaincue que cette “dévoreuse d’âmes” avait davantage de potentiel face à l’ennemi de la race humaine mais celle-ci ayant été vaincue par Roland Wimbledon, elle s’était ensuite tournée vers le Roi.

Si jamais elle apprenait l’existence d’un chef plus puissant que lui, elle n’hésiterait pas à se mettre à son service.

Et ceci pour une bonne raison, la survie de l’humanité étant beaucoup plus importante à ses yeux que les intérêts personnels. 

Pourtant, elle n’avait jamais pu s’empêcher d’éprouver quelques regrets et ce n’est qu’en revenant dans la ville qu’elle comprit enfin pourquoi.

Elle n’avait jamais cessé de penser à Cléo et d’être désolée pour elle.  

À l’époque, les Purifiées, persuadées qu’il existait un fossé insurmontable entre elles et cette sorcière vieille de centaines d’années, se plaignaient intérieurement de son soudain changement d’humeur.  Mais Isabella, qui s’entendait bien avec elle, trouvait que la “dévoreuse d’âmes” était beaucoup plus droite et volontaire au regard de la Bataille de la Divine Volonté que les autres Purifiées qui, elles, entendaient suivre leurs intérêts personnels.  

Toutes deux se ressemblaient, si ce n’est que Cléo avait toujours été chef tandis qu’elle-même était plutôt une assistante.

C’était sans doute plus par nécessité que par nature, cette sorcière expérimentée ayant plus de deux cents ans d’existence.

Comme la Cité Sainte aurait été différente si Cléo avait pu rencontrer Roland plus tôt!

Maggie fit deux tours dans le ciel et atterrit dans le camp à l’extérieur de la ville.

– « Nous sommes là. Allons-y! » Dit Ayesha qui se tenait derrière Isabella.

Cette dernière acquiesça et sauta du dos de la bête tandis qu’un soldat, qui les attendait, venait à sa rencontre :

– « Dame Edith vous attend sous la tente. Suivez-moi, je vous prie. »  

Roland, en effet, avait expressément demandé d’emmener avec elles la sorcière des glaces et expliqué à Isabella que tant qu’elle purgeait sa “peine”, elle ne pouvait agir que sous la surveillance d’une autre sorcière. Consciente qu’elle bénéficiait déjà d’un traitement préférentiel, puisqu’elle ne portait ni Médaillon du Châtiment Divin ni fers aux mains et aux pieds et que même ses vêtements étaient neufs, l’ancienne Purifiée avait accepté sans hésiter cette condition.

Elle entra sous la tente. Derrière un bureau se tenait une femme qui l’accueillit en souriant :

– « Je suis Edith Kant, du Ministère de la Défense, commandant temporaire de cette campagne. »  

« Pour une femme ordinaire, elle est vraiment belle », pensa Isabella.

– « Je croyais que vous deviez d’abord prendre le contrôle du Plateau d’Hermès et seulement ensuite saisir la Vieille Cité Sainte. »  

« C’est en effet ce qui était prévu, mais le Royaume de l’Aube a progressé plus vite que nous le pensions », répondit Edith en lui résumant grossièrement la situation. « Sa Majesté nous a donné l’ordre d’assurer la sécurité des monastères, mais ce n’est pas là le problème. La question est de savoir comment nous allons pouvoir évacuer les orphelines de façon ordonnée. Si je me souviens bien, elles ont toutes été nourries et éduquées par l’Eglise, aussi, je crains que si nous devions les contraindre à quitter les lieux, cela nuise à nos plans. Vous pourriez peut-être trouver une solution à ce problème car ce n’est sans doute pas pour rien si le Roi vous a confié cette mission. »

Isabella fronça les sourcils :

– « Une minute! N’avez-vous pas dit que vous étiez passés par l’Échelle des Nuages pour venir jusqu’ici ? »

– « Oui, pourquoi ? Un problème ? »

– « Habituellement, ce passage important est toujours surveillé par l’Église. Comment se fait-il que personne n’était là pour le protéger ? »

– « Vraiment ? Pourtant, les marchands sont convaincus que ce passage est peu connu. Par ailleurs, Sylvie n’y a rien remarqué de spécial. »

– « Voilà plusieurs siècles que l’Église règne sur cet endroit. Jamais ils n’auraient négligé un passage aussi important qui mène à la ville et qu’il est impossible de contrôler depuis les remparts », répondit Isabella en secouant la tête. « S’ils ont laissé passer les contrebandiers, c’était intentionnel car ils ont prévu d’utiliser ce sentier durant les Mois des Démons contre la Coalition des Quatre Royaumes. Les gardes sont postés dans les grottes calcaires naturelles, c’est pourquoi les marchands ne les ont pas vus. »

– « Mais il n’est plus surveillé à présent. Peut-être parce qu’il n’y a plus d’ordre au sein de la Cité Sainte ? »

– « L’Échelle des Nuages est gardée par des forces indépendantes de celles qui surveillent les remparts et qui, en principe, ne devraient pas être affectées par ce qui se passe à l’intérieur de la ville. Si vous êtes d’accord, mieux vaut que je me rende personnellement à Hermès. »

« Un problème d’ordre ? » pensait-elle en elle-même, surprise. « J’ai plutôt l’impression qu’ils ont déserté la ville… »  

– « Parlons d’abord de la question des monastères », intervint Ayesha. « Pensez-vous que nous puissions voir ce qui s’y passe depuis les airs ? »  

– « Oui », répondit Edith. « Mlle Foudre a examiné les trois principaux monastères : il semblerait que les orphelines, poussées par on ne sait qui, se soient organisées pour défendre leurs foyers jusqu’à la mort. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles nous avons retardé cette opération. Tous mes soldats étant sortis indemnes de la bataille contre le Royaume de l’Aube, je ne tiens pas à déplorer de victimes à l’intérieur de la ville. »

– « Quelqu’un serait à l’origine de tout ça ? » Isabella réfléchit un instant. « Laissez-moi y aller. Je vais leur parler. »

– « Toute seule ? »

Sur le point de répondre par l’affirmative, la sorcière se ravisa :

– « Non, avec Ayesha. »

– « Dame Isabella! » Dit Marge aussitôt qu’elle l’aperçut, la main sur le cœur.  

– « Combien de fois vous ai-je répété que vous n’avez plus à utiliser ces formules de politesse. Nous ne sommes plus des Purifiées, aussi, appelez-moi simplement par mon prénom. »

– « Bien madame », acquiesça aussitôt Marge.

Isabella soupira intérieurement. Si Sa Majesté avait restreint sa liberté, ce n’était pas le cas de Marge ou de Vanille qui, fidèles aux habitudes qu’elles avaient prises au monastère, venaient parfois la voir au Bâtiment des Affaires Étrangères pour lui faire part des découvertes intéressantes qu’elles avaient faites au sein de l’Association des Sorcières. Fort heureusement, Ayesha ne s’en préoccupait pas. »  

– « Emmenez-nous en ville », dit-elle en pointant du doigt la cité.  

Margie convoqua aussitôt son Arche Magique et se tourna vers Edith venue les voir partir :

– « La Première Armée ne vient pas avec nous ? »

– « Ils n’entreront pas dans la Vieille Cité Sainte tant que vous ne nous aurez pas confirmé que l’endroit est sûr. »  

L’arche s’enfonça rapidement dans le sol qui se transforma en un plafond transparent à travers lequel elles pouvaient voir Foudre leur indiquer le chemin depuis le ciel.  

Les quatre monastères, qui en fait n’en faisaient qu’un, avaient été construits autour de l’Église du Reflet et étaient reliés entre eux par des tunnels souterrains. Un passage leur permettait d’accéder au Temple Secret situé au cœur de la montagne, essentiellement pour y envoyer des sorcières en vue des cérémonies d’incarnation mais il avait été fermé après qu’une Extraordinaire nouvellement éveillé ait mis le feu à l’un des monastères.

L’Arche Magique s’infiltra discrètement dans le monastère du secteur ouest, qui était le plus proche. Foudre avait raison : la cour était déserte, à l’exception de deux maigres jeunes filles debout à l’entrée et qui tenaient en main des lances bien plus grandes qu’elles.

– « Nous y sommes », dit Isabella. « Remontons à présent. »

– « Vous ne voulez pas d’abord aller faire des repérages ? » Demanda Marge, surprise.

– « Non, ce serait courir un risque inutile car il y a beaucoup trop de Pierres du Châtiment Divin cachées à l’intérieur », répondit la sorcière qui savait que dans les lieux importants comme celui-ci, l’Église avait coutume de placer des pierres géantes dont les effets se faisaient sentir sur une centaine de pas et qu’elle n’avait pas le pouvoir de désactiver.  

L’arche jaillit soudain du sol, provoquant la panique des gardes. C’était comme si ces deux femmes venaient de sortir de nulle part.  

Un sifflement strident retentit aussitôt. Toutes les fenêtres s’ouvrirent les unes après les autres et une douzaine de religieuses suivies chacune d’un groupe d’orphelines envahirent la cour, épées, boucliers, arcs et arbalètes à la main. Ayesha convoqua aussitôt sa glace, prête à en recouvrir Isabelle si jamais leurs adversaires se mettaient à tirer.  

– « Arrêtez! » Cria soudain celle qui marchait à l’avant.  

– « Seriez-vous… Dame Isabella, la Purifiée qui se tenait aux côtés du Souverain Pontife ? » Demanda en tremblant une autre nonne ? »  

– « C’est moi en effet », répondit calmement la sorcière en se disant que si ces femmes se souvenaient encore d’elle, elle n’aurait aucun mal à accomplir la mission que le Roi lui avait confiée.

Mais l’instant suivant, elle fut prise au dépourvu par leur brusque changement d’attitude.

– « Dame Isabella! C’est formidable ! Nous voilà sauvées! »

– « Madame, pardon, Votre Sainteté, aidez-nous je vous en prie! »

– « Vous êtes notre Souverain Pontife! Ne nous abandonnez pas! »  

L’une après l’autre, les religieuses, lâchant leurs armes, s’agenouillèrent et implorèrent, leurs voix résonnant dans tout le bâtiment.

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