Relâchez cette Sorcière | Release that witch | 放开那个女巫
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Chapitre 536 : Le Rêve (Partie I)
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– « Je suis fatiguée, Annie » Gémit Ivy.

– « Encore un peu de courage, nous y sommes presque. »  

À chacun de leurs pas, on aurait dit que le gravier sur lequel elles marchaient leur transperçait les pieds. Ivy aurait vraiment voulu s’arrêter mais Annie la tenait fermement par la main, l’obligeant à suivre. Qu’elles traversent des ronces, des épines ou un courant glacé, celle-ci ne ralentissait pas. Vue de dos, elle avait l’air aussi solide qu’une montagne.

– « Annie, je suis vraiment fatiguée… » Supplia Ivy.

La plante de ses pieds était en feu, tout son corps douloureux et le souffle lui manquait. Elle avait beau inhaler, sa poitrine était comprimée. Ivy avait l’impression d’être en train de mourir.  

Annie soupira doucement, s’allongea et colla son oreille contre le sol. Puis elle désigna une pierre levée non loin de là et dit :

– « Allons-nous reposer là-bas. »

En entendant parler de repos, Ivy rassembla le peu de force qui lui restait. Elle serra les dents, se hâta vers le rocher et s’écroula. En cet instant, elle aurait souhaité rester là pour l’éternité.

Annie, quant à elle, ne s’assit pas immédiatement. Elle camoufla d’abord le rocher en l’entourant de branches qu’elle avait ramassées à proximité. Cela formait comme un nid douillet avec la roche inclinée pour plafond. Malheureusement, le terrain accidenté et rocailleux leur faisait mal au postérieur et elles n’avaient pas suffisamment d’espace pour s’allonger toutes les deux.

– « Nous sommes trop loin pour que l’Eglise puisse nous retrouver. »  

– « Pas suffisamment. Ne relâchons pas notre vigilance. »

Annie était aussi alerte qu’un chat sauvage, les oreilles dressées, à l’affût du moindre bruit.  Cependant, la douleur l’avait endurcie et comparée à la cruelle Armée des Juges, la jeune fille ressemblait davantage à un prédateur silencieux.

– « L’association du Croc Sanguinaire existe-t-elle vraiment ? »

Au départ, elles étaient cinq à rechercher l’Association mais peu de temps après qu’elles aient quitté la Forteresse de Pierregrise, l’Eglise les avait interceptées. Aussi avaient-elles décidé de se séparer. Trois jours à marcher en direction de l’est, Ivy avait fini par tomber sur Annie. Depuis, elles étaient sans nouvelles des autres.

– « Bien sûr », répondit Annie en se frottant les orteils. « J’ai entendu dire qu’elle se trouvait sur l’Île de la Dent du Loup, de l’autre côté de l’océan. »

– « Mais comment allons-nous faire pour traverser la mer ? »

– « Il faut aller jusqu’à la rive et là, nous chercherons un bateau », la rassura Annie. « Ne vous inquiétez pas, j’en fais mon affaire. »

– « Entendu », répondit doucement Ivy.

Annie sortit de son sac un morceau de couenne de porc séchée qu’elle tint entre ses mains. Aussitôt, une fumée blanche s’éleva de la viande qui devint bouillante et souple comme un nuage.

– « Mangeons. Nous repartirons lorsque nous nous serons restaurées », dit-elle.

Annie avait pour capacité de pouvoir enflammer des branches, des bâtonnets et réchauffer ou cuire des aliments.  

Telle un loup affamé, Ivy dévora la couenne de porc et regarda avec envie celle d’Annie. Celle-ci s’en aperçut, coupa la sienne en deux et lui tendit la moitié :

– « Mangez, de toute façon, je n’ai pas très faim. »

Lorsqu’Ivy eut terminé de se lécher les doigts, il fallut repartir.

La jeune fille dut lutter pour se relever mais avant même qu’elle n’ait eu le temps de sortir de la caverne, les branches qui l’entouraient se mirent à trembler.

Ce ne pouvait être le vent d’automne car les tremblements étaient légers, réguliers et rapides, comme si quelque chose venait dans leur direction.

Aussitôt, Annie écarquilla les yeux, effrayée :  

– « Des chevaux! Ils sont à cheval! Courez! »

Ivy sentit qu’on la tirait pour la relever. Instinctivement, elle se mit à courir mais aussitôt, la douleur qui lui transperçait les pieds revint. La jeune fille, qui n’était pas encore rétablie, avait bien du mal de tenir sur ses jambes, alors courir…

Elle se retourna et aperçut plus d’une dizaine de chevaux au galop à l’extrémité de la plage rocheuse. Ils n’allaient pas très vite, sans doute parce que les soldats craignaient de blesser les sabots de leurs montures, cependant, leur vitesse était suffisante pour rattraper les deux fugitives qui elles, étaient pieds nus.  

Ivy se dit qu’elles ne pourraient pas leur échapper. Tout au moins elle.

La jeune fille libéra sa main de celle d’Annie et dit :

– « Allez devant. »

– « Je vais vous porter. »

– « Mais vous ne pourrez plus courir aussi vite! »

– « Faites ce que je vous dis! Dépêchez-vous! »

Tandis qu’elle hésitait, l’Armée des Juges, montée sur d’immense chevaux, gagnait du terrain. Ivy vit que certains d’entre eux avaient déjà tendu leurs arbalètes tandis que d’autres s’apprêtaient à jeter leurs lances.   

Soudain, le sol de gravier s’effondra et les cavaliers qui allaient en tête tombèrent dans une fosse. Aussitôt, le reste de la troupe contourna le piège mais un à un, leurs chevaux s’affaissèrent sur leurs rotules. Des silhouettes vêtues de rouge apparurent brusquement devant eux. On aurait dit qu’elles surgissaient du sol. Une volée de flèches tirées à bout portant les prit au dépourvu et les soldats qui avaient eu la chance d’éviter les projectiles furent pris en embuscade et pourchassés. En l’espace de quelques secondes, les quelques dix soldats de l’Eglise étaient morts.

Leurs assaillants s’empressèrent de les dépouiller de leurs armures, de leurs bagages et emportèrent leur nourriture séchée ainsi que les Pierres du Châtiment Divin.

L’un d’eux s’approcha des jeunes filles.

– « Ne seriez-vous pas à la recherche de l’Association du Croc Sanguinaire ? »

– « Comment le savez-vous ? » Demanda Ivy, surprise.

Aussitôt, Annie lui pinça la main :

– « Oui, Monseigneur », répondit-elle. « Nous sommes toutes deux des sorcières. Nous étions cinq mais nous avons perdu nos trois compagnes en chemin. Auriez-vous la bonté de leur venir en aide ? »  

– « Nous n’avons pas suffisamment d’effectif pour partir à leur recherche », répondit l’inconnu en retirant sa capuche, révélant des cheveux roux coupés courts. C’était une femme.

« Si vos compagnes ne sont pas capables de venir jusqu’ici par leurs propres moyens, c’est qu’elles ne sont pas qualifiées pour rejoindre notre association. » Elle marqua une pause et ajouta : « D’ailleurs, ne croyez pas que nous acceptions toutes celles qui se présentent ici. »  

Ivy sentit la main d’Annie resserrer son étreinte.  

– « Montrez-moi vos capacités. »

La démonstration faite, la femme aux cheveux roux regarda Ivy et hocha la tête :

– « Vous pouvez rejoindre l’Île de l’Archiduc. »

Puis, se tournant vers Annie, elle ajouta : « Mais pas vous. »

– « Pourquoi ? » Demanda Ivy.

– « Madame, je… »

– « Je vais vous envoyer vers une autre organisation de sorcières, mais vous ne pouvez pas intégrer l’Association du Croc Sanguinaire », coupa-t-elle d’un ton dur et froid. « Vous n’êtes pas une sorcière de combat et notre association n’a pas besoin d’une cuisinière. »

– « Pourquoi pleurez-vous ? » Demanda avec impatience la femme rousse sur le ton du reproche.  « Notre Maîtresse va être en colère si elle vous voit pleurer. »

– « Je… je veux être avec Annie… »

– « Petit monstre sans cervelle, elle n’est rien d’autre qu’un fardeau. »

– « C’est faux! Elle m’a sauvé la vie! » S’exclama Ivy en ravalant ses larmes. « Annie est exactement la sorcière de combat qu’il vous faut… »

– « Pfft… La force des membres n’a rien à voir dans tout ça, c’est votre capacité qui décide au moment de l’Éveil si vous serez ou non une sorcière de combat », coupa la femme aux cheveux roux, impitoyable.  « Ne croyez pas que parce qu’elle a cinq ou six ans de plus que vous, elle soit plus puissante. En réalité, votre potentiel est de loin supérieur au sien. »

– « Où comptez-vous… envoyer Annie ? »

– « Ce ne sont pas vos affaires. »

À nouveau, Ivy sentit les larmes lui monter aux yeux.

La femme aux cheveux roux fronça les sourcils et dit :

– « Écoutez-moi bien :  notre Maîtresse n’aime pas les lâches. Si vous voulez rester en vie sur l’Île du Grand-Duc, ne parlez plus jamais du passé. »

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