Relâchez cette Sorcière | Release that witch | 放开那个女巫
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Chapitre 123 : L’Invitation de l’Eglise
Chapitre 122 : Père et fils Menu Chapitre 124 : Retour à Border Town

Roland avait déjà repris possession du château depuis 4 jours.

Ce jour-là, presque toute la noblesse des environs était réunie dans le Grand Hall.

Bien que la plupart des gens aient déjà eu vent des nouvelles, Roland estimait cependant qu’il était préférable de s’adresser à eux en personne pour les informer du fait que le territoire occidental avait maintenant un nouveau gouverneur.

Lorsque le Prince les eut informés de ses intentions de retourner à Border Town et du fait que le fils aîné de la famille Chèvrefeuille régnerait à sa place, tout le monde avait soudain commencé à débattre. Bien sûr, personne pour le moment n’était disposé à prendre l’initiative pour se lever et s’opposer à cette décision : après tout, la tête du duc était encore suspendue au-dessus de la porte de la ville et tous savaient à présent que le roi Timothy avait subi de lourdes pertes et ne pouvait pas envoyer des forces à l’extérieur.

En outre, tous les chevaliers de la famille Chèvrefeuille ayant été rachetés, Roland avait refusé toute  rançon pour les autres chevaliers, afin que ceux-ci, ainsi que les mercenaires, puissent tous rentrer avec lui à Border Town. Le Prince envisageait d’envoyer les mercenaires à la mine où ils pourraient travailler pour gagner leur liberté. Quant aux chevaliers, à la condition qu’ils manifestent leur repentir et se comportent correctement, ils se verraient proposer un emploi. Après tout, la plupart des chevaliers savaient lire et écrire : ils pouvaient par conséquent tenir lieu d’enseignants. Il était évident que jusqu’à la fin de leur vie, ceux-ci ne seraient plus jamais autorisés à utiliser une arme.

Prise en main de cette façon, la famille Chèvrefeuille devrait avoir suffisamment de pouvoir pour contenir les quatre autres familles nobles, et suffisamment de troupes pour défendre la Forteresse de Longsong ainsi que leur propre territoire, pensait Roland. Quant aux invisibles remous sous-jacents, c’était un problème que Petrov devrait gérer seul.

Quelques jours plus tôt,  le Prince avait également pris le temps de renvoyer certains des habitants de Border Town qui s’étaient révoltés durant ce fameux hiver où beaucoup de personnes étaient mortes de faim et de froid, y compris l’ancien ministre des Finances Ferrero. De retour à Border Town, tous seraient jugés.  Son seul regret était que le cerveau à l’origine de la tentative de brûler sa nourriture et de la mort de Grayhound, le comte Medde, ait été tué sur le champ de bataille.

Le trafic entre la Forteresse de Longsong et Border Town étant à présent restauré, jusqu’à la fin de la semaine  suivante, de nombreux navires navigueraient en amont vers Border Town pour livrer les fournitures collectées. Roland supposa que Barov serait très occupé dans les quelques semaines à venir : il avait non seulement reçu quantité de pièces d’or résultant du pillage, mais il devait également organiser la réinstallation d’un grand nombre d’immigrés. On ne savait toujours pas si Karl avait construit suffisamment de hangars en bois.

A la pensée de tous ces problèmes, Son Altesse éprouva le désir de rentrer au plus tôt à Border Town. Par ailleurs, il était temps de lancer la grande opération agricole.

Après avoir reçu à déjeuner tous ces nobles, et alors que Roland s’apprêtait à faire une sieste, un de ses gardes annonça un invité spécial.

Il s’agissait du Grand prêtre de l’Église de la Forteresse de Longsong.

Sitôt que le Prince en fut informé, sa fatigue s’envola.

A la différence de Border Town, il y avait longtemps que l’Église était enracinée à la Forteresse. Non seulement elle possédait son propre lieu de culte, mais elle y avait même envoyé un grand prêtre. C’était la principale raison pour laquelle le Prince avait décidé de poursuivre le développement de Border Town plutôt que de demeurer plus longtemps en cet endroit.

La population étant depuis longtemps sous l’influence de l’Eglise, n’importe quel civil pouvait s’avérer être un de leurs espions. A la Forteresse, il lui serait difficile de mener à bien son objectif, qui était de manipuler le regard que les habitants avaient sur les sorcières, et le risque que celles-ci soient découvertes était bien plus élevé. À moins qu’il ne parvienne à déraciner totalement l’Église, ses réformes n’avaient aucune chance de fonctionner.

Il était tout à fait normal que l’Église s’inquiète de savoir qui serait le nouveau Gouverneur de la Forteresse de Longsong, aussi Roland ne fut-il pas vraiment surpris que celle-ci mandate un représentant pour entrer en contact avec lui. Cependant, cet envoyé était spécial : en sa qualité de Grand Prêtre, il comptait parmi les personnalités les plus influentes et sa zone de juridiction était d’une taille similaire à celle d’un Duc.

Une fois de plus, il décida de le recevoir dans le Grand Hall.

Le Grand Prêtre Tylo devait avoir environ 40 ans. Il était vêtu dans le style traditionnel de l’Eglise et portait une aube blanche sous sa robe bleue. D’aspect très soigné, il se comportait avec la courtoisie d’un aristocrate. Si Roland n’avait été membre de la Famille Royale et un allié des sorcières, nul doute qu’il aurait pris grand plaisir à converser avec cet homme.

En sa qualité de Grand Prêtre, Tylo possédait certainement une Pierre du Châtiment Divin de haute qualité, aussi, afin d’éviter tout accident, Roland avait-il expressément demandé à Rossignol de rester loin de lui durant cet entretien.

Après avoir reçu la salutation de Tylo, le Prince l’invita à s’asseoir et commanda du thé.

Quoi que Roland puisse penser, il se devait de se montrer accueillant, ne serait-ce qu’en surface.

– « Votre Altesse Royale, je suis ici en tant que représentant de la Nouvelle Cité Sainte », dit Tylo avec un sourire : « Vous êtes à présent le maître incontesté du territoire occidental, que Dieu vous bénisse. »

– « Je vous remercie », répondit le Prince d’un air détendu. « Vous ne semblez pas vous soucier du fait que je me suis débarrassé du Duc Ryan pour reprendre la Forteresse de Longsong. » 

« Nous n’intervenons que très rarement dans les conflits laïques. Pour que le peuple puisse mener une vie décente, il faut un bon dirigeant. Il importe peu à l’Eglise de connaître sa famille d’origine, fût-il de sang royal. Pour tout dire, je pense que l’église est beaucoup plus ouverte à cet égard : auparavant je n’étais que le fils d’un fermier et me voici Grand Prêtre à présent. »

Il eut un sourire : « Pardon Monseigneur, mais je ne crois pas qu’un agriculteur ait un jour la chance de devenir Duc, n’est-ce pas ? »

« S’il organisait un coup d’état pour renverser la famille royale, il pourrait même devenir roi », se dit Roland. Mais il s’abstint d’en faire la remarque et entra dans le vif du sujet :

– « Alors, que me vaut le plaisir de votre visite ? N’êtes-vous venu jusqu’ici que pour me bénir ? »

– « En partie, mais je suis également venu vous proposer une collaboration. »

– « Une collaboration ? De quel genre de collaboration s’agit-il ? »

– « Nous vous aiderions dans toutes vos nécessités pour étendre votre territoire ou vos forces. »

– « Un instant … » Roland fronça les sourcils. « Vous venez de dire que l’Église intervenait rarement dans les conflits séculiers. »

– « J’ai dit rarement, et non jamais », répondit le Grand Prêtre, désinvolte. « Ce que je voulais dire, c’est que tant que le peuple mène une vie douce et paisible, nous n’intervenons pas. Mais le conflit opposant votre frère Timothy et votre troisième sœur Garcia a entraîné la pauvreté généralisée de tout le sud. Au début, nous pensions que Timothy avait mérité le trône et deviendrait un roi respecté, mais aujourd’hui il n’en est plus digne. Vous êtes l’homme qu’il nous faut. »

Le regard du Prince se fit pensif : « visiblement, l’Église souhaite m’aider à combattre pour le trône », se dit-il intérieurement.

– « Pourquoi ? »

– « Grâce à vous, la population de Border Town a pu résister aux Bêtes Démoniaques. Par ailleurs, vous êtes resté auprès d’eux tout le temps qu’ont duré les Mois des Démons, ce qui est révélateur de votre courage et de vos aptitudes. A voir l’énorme quantité de nourriture que vous avez achetée à Willow Town, tout le monde a pu se rendre compte que vous ne vouliez pas que votre peuple meure de faim, ce qui montre votre bonté. De surcroît, vous possédez les trois caractéristiques de grandeur que tout noble devrait avoir, en outre, vous êtes de sang royal. Ce sont toutes les raisons pour lesquelles nous vous avons choisi. »

Roland ne croyait pas un mot que le Grand Prêtre venait de dire, mais au moins il apportait la preuve que même si Border Town, situé aux frontières du pays, n’était qu’un état insulaire totalement isolé durant l’hiver, ils étaient malgré tout sous la surveillance de l’Eglise.

– « Comment comptez-vous m’aider ? Avez-vous l’intention de dépêcher une Armée de Juges afin qu’elle combatte pour moi ? »

– « Il est clair que nous souhaitons mettre fin au plus vite à l’état de guerre dans le sud, mais si nous agissons ainsi que vous le suggérez, nous susciterions la désapprobation de la majeure partie de la noblesse. Nous ne pouvons vous apporter qu’une aide matérielle. »

Le Grand Prêtre sortit de sa poche deux pilules, l’une noire et l’autre rouge, sur lesquelles était gravé l’emblème de la Cité.

« Ceci est l’équivalent pour nous des remèdes produits par vos alchimistes. Les pilules rouges augmenteront temporairement la force de vos hommes, tandis que la noire a pour effet d’atténuer les sensations de douleur, de froid et augmente, quant à elle, leur endurance pour un bon moment. Avec ces drogues, votre armée devrait devenir imparable. Par ailleurs, l’Église ne vous facturerait que le coût de production. »

Tylo marqua une pause. « Un Royal d’or. Considérez ces deux pilules comme un échantillon destiné à  vous prouver ma bonne foi. »

– « Quel bénéfice espérez-vous en tirer ? Développer l’influence de l’Église et construire des lieux de culte sur tous les territoires ? »

– « Il est évident que cela nous rendrait heureux, mais notre intention principale est de mettre fin à la guerre. Si les gens ont la possibilité de mener une vie paisible, ils viendront d’eux même se jeter dans les bras de Dieu. »

Roland accepta les pilules.

– « Cela semble incroyable, mais pour le moment, je n’ai pas l’intention d’entrer en compétition pour la couronne du Royaume de Graycastle. Timothy et Garcia sont mes plus proches parents et je ne veux pas leur faire de mal. »

– « Je comprends votre point de vue », répondit le Grand Prêtre avec un sourire, « mais parfois les liens du sang ne sont pas suffisants pour empêcher la tentation du pouvoir, en particulier lorsque vous devenez une pierre d’achoppement sur le chemin des autres. Ces pilules ne sont qu’un début, nous avons bien d’autres moyens de vous aider. Si vous décidez d’accepter, vous me trouverez à l’église », dit-il en se levant.

Tylo s’inclina et salua : « Vous connaissez maintenant les intentions de l’Église. Que Dieu soit avec vous, Votre Altesse Royale. »

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