En entrant dans son bureau, Roland fut surpris de constater que Wendy l’attendait, au lieu de Rossignol.

– « Que s’est-il passé ? » Il se versa une tasse d’eau chaude, « Où est Rossignol ? »

– « Elle est partie au-devant de nos sœurs. »

– « Êtes-vous… », Roland avait levé sa tasse et s’apprêtait à boire, lorsqu’il sentit soudain que quelque chose clochait : « Attendez une minute. Quelles sœurs ? »

– « Nos sœurs de l’Association de Coopération des Sorcières : elles sont arrivées à Border Town », répondit Wendy.

– « Ont-elles fini de chercher la Montagne Sacrée ? »

Il se releva d’un bond. « Combien sont-elles ? Celle qui voulait tuer Rossignol… Je crois me souvenir qu’elle s’appelait Cara, est-elle là elle aussi ? »

– « Non, votre Altesse… mes sœurs n’ont pas pu trouver la Montagne Sacrée. Elles étaient enfin arrivées dans les terres sauvages lorsque des monstres terrifiants les ont attaquées. Seules sept d’entre elles ont survécu. » Wendy rapporta ce que Leaves lui avait dit, puis elle s’inclina pour s’excuser : « Vous faisiez la sieste, aussi je vous prie de nous pardonner d’avoir décidé d’envoyer Rossignol et Foudre pour les récupérer. »

– « Non », dit Roland en agitant sa main, « Vous savez bien que je ne vous reprocherai pas ce que vous avez décidé. Quelles sont leurs capacités ? »

– « Je ne sais pas, mais Leaves nous a dit qu’elles n’étaient pas des sorcières de combat, peut-être… » Wendy hésita, « qu’elles ne vous seront pas très utiles. »

« Des non-combattantes ? » Le cœur de Roland fut soudain plein d’attentes, « la Pierre du Châtiment Divin et l’inconvénient de la faible portée d’effet des sorcières, limitent de beaucoup leur capacité de combat. La production est donc leur domaine de prédilection, quoi qu’il en soit. Si une sorcière est capable de produire du plastique, je pourrai résoudre les problèmes de ma technologie de traitement d’ébauche et entrer directement dans l’ère de la production mécanique. Avec une capacité électrique, une sorcière pourrait transformer la nuit en jour à Border Town. Si le prochain Roi prenait une sorcière pour épouse, ils pourraient nous conduire au summum de l’existence. Ils nous permettraient d’achever les quatre modernisations de «Deng Xiaoping». Toutes ces possibilités sont très excitantes! ».

Le silence semblait peut-être trop long à Wendy qui commença à s’inquiéter et chuchota :

– « Votre Altesse, si vous n’en avez pas besoin… »

– « Non, comment cela serait-il possible », dit Roland, qui ne lui permit pas d’ajouter un seul mot : « j’accepterais toutes les sorcières qui viennent d’arriver. »

Au coucher du soleil Rossignol revint tranquillement avec les dernières sœurs de l’Association de la Coopération des Sorcières. Roland, qui les attendait déjà, avait préparé un somptueux dîner dans la Grande Salle du château pour essayer de leur faire oublier les épreuves qu’elles avaient traversées durant leur voyage.

Les sorcières avaient évidemment très faim, mais comme c’était la première fois qu’elles mangeaient dans un tel environnement, elles se montrèrent toutes très réservées. La plupart n’avaient encore jamais vu de Seigneur, à plus forte raison  le Prince de ce pays.

Heureusement, en plus de Roland, il y avait aussi les deux sorcières locales Anna et Nana, qui leur indiquèrent comment se comporter, sans oublier la jeune Foudre, toujours aussi vivante. Finalement, elles parvinrent à se libérer de leur timidité et à profiter du banquet tout en conversant joyeusement.

Tandis qu’il mâchait une tranche de pain, Roland, dont le moral était au beau fixe, regardait ces femmes aux types tout à fait différents qui se tenaient devant lui. Si elles étaient uniques, leur beauté était indéniable. C’était là le grand cadeau de la magie : ces sorcières n’auraient jamais besoin  d’utiliser la technologie de la science dans le futur. Même sans chirurgie esthétique, elles pouvaient faire tourner toutes les têtes.

Karl n’ayant pas encore achevé la construction de l’espace de vie des sorcières, la seule chose à faire était de les loger à l’intérieur du château. Il y avait encore quatre chambres au premier étage. Roland envisageait de transformer les chambres individuelles en chambres doubles. Après tout, ces grands lits étaient en fait préparés pour accueillir la noblesse, on pouvait facilement y placer deux personnes et il resterait encore de la place.

Le Prince attendit  la fin du dîner pour poser la question tant attendue : leurs capacités.

Telle un loup conduisant les brebis, Rossignol les amena l’une après l’autre dans le bureau. Roland leur posa des questions spécifiques portant sur leur vie et leur capacité, entre autres,  tout comme pour un entretien d’embauche. Il enregistrait chaque caractéristique, et testait également leurs capacités tout en se protégeant des effets avec une Pierre du Châtiment Divin. Lorsque la dernière entrevue fut achevée, il prit une grande inspiration et étira son corps tendu. S’il n’avait pas craint que Rossignol soit dans la pièce à espionner, il aurait bien fredonné « Superstar ».

Même si aucune sorcière n’avait de capacité pour l’électricité ou le façonnage qui auraient pu servir à augmenter le rendement de modernisation, ce groupe de sorcières pouvait réserver au Prince quantité de bonnes surprises.

La première et la plus importante d’entre elles était la sorcière Leaves.

Il étala toutes les notes qu’il avait recueillies sur la table et s’empara de celles qui la concernaient.

Avant l’âge adulte, Leaves ne parvenait qu’à accélérer la croissance des plantes et de leurs fruits. Mais ensuite, sa capacité s’était considérablement améliorée : outre son contrôle sur la croissance des plantes, elle pouvait maintenant les manipuler.

La première capacité pourrait être utilisée pour améliorer la qualité des fruits et des graines, augmenter la récolte et les effets médicinaux des plantes. Sa capacité pouvait également  modifier ses caractéristiques.

Selon son explication, si elle mettait sa magie dans une plante, Leaves pouvait faire pousser des feuilles vertes sur une branche morte. Alors que si la jeune femme mettait sa magie dans de mauvaises herbes, elle avait le pouvoir de les faire s’enrouler autour des pieds de ses ennemis pour les emprisonner. Mais ce qui était le plus remarquable était sa capacité à fusionner avec un arbre.

Cependant, plus la plante était grande, plus la sorcière devait dépenser d’énergie pour la manipuler. Aussi préférait-elle utiliser les mauvaises herbes au cours d’un combat pour un effet  plus rapide et moins coûteux. La portée maximale de son pouvoir était d’environ cinq mètres, même au travers de matériaux physiques (comme la terre).

Il ne faisait aucun doute que cette sorcière aux cheveux verts dont le nom évoquait la capacité, serait d’une grande utilité pour améliorer l’agriculture. Son importance pour Roland était évidente : l’industrialisation nécessitait une grande population, aussi fallait-il que l’alimentation soit suffisante pour nourrir tous ces gens. Cela ne pouvait s’obtenir  que par l’autoproduction ou le commerce. S’ils choisissaient la première possibilité et que la production ne soit pas suffisante,  la majorité de leur main d’œuvre serait tenue d’aller travailler dans les champs. Le deuxième point était très difficile à mettre en œuvre en raison des moyens de l’époque pour transporter les marchandises.

Maintenant qu’il avait pu mettre la main sur un Druide, Roland espérait que quelques agriculteurs suffiraient pour nourrir une bonne partie de la population industrielle, et avec cela accélérer le processus d’industrialisation de son territoire.

C’est pourquoi, à l’avenir, il lui permettrait de pratiquer pour améliorer la qualité des semences de blé et d’orge afin qu’elles produisent une récolte plus importante. Si elle parvenait à les améliorer ne serait-ce qu’un petit peu, ce peu serait d’une grande utilité pour son territoire et augmenterait la limite supérieure de population. De plus, Roland avait entendu dire que les Fjords possédaient des aliments uniques. Selon la description de Foudre, il y avait apparemment des pommes de terre et du maïs. Si ces rumeurs s’avéraient vraies, l’introduction de ces deux plantes en tant que cultures deviendrait l’une de ses plus grandes priorités. Après tout, le blé  seul n’était pas une culture à haut rendement.

Le prince consigna avec soin ce futur projet de pratique, puis il mit de côté les données de Leaves et prit le second morceau de papier.

La prochaine sorcière interrogée s’appelait Scroll, c’était la plus âgée des sept survivantes. Cette année elle avait près de quarante ans.

C’était un âge vraiment rare pour une sorcière. Plus elles vieillissent, plus il était difficile pour elles de résister à la morsure démoniaque. Mais lorsque cette dernière lui eut expliqué sa capacité, Roland comprit immédiatement comment elle avait pu atteindre cet âge.

Sa capacité principale était qu’elle avait une bien meilleure mémoire que le commun des mortels. Celle-ci était devenue si efficace qu’elle n’oubliait rien. A sa majorité s’ajouta une spécificité très intéressante à sa capacité : elle pouvait lire des livres et pour un court laps de temps, en faire une copie. Pour cette raison, Roland nomma sa capacité « l’illusion d’un livre. »

Comme elle utilisait sa capacité principale presque tout le temps, Scroll pouvait traverser avec facilité chaque jour anniversaire de l’Eveil. C’était aussi la raison pour laquelle, originaire d’une famille très pauvre, elle était malgré tout très compétente… Cette faculté avait grandement amélioré sa capacité d’apprentissage, en particulier pour les exercices qui nécessitaient la mémorisation de textes importants. Lancer sa spécificité magique demandait beaucoup à son corps, et le temps qu’il lui fallait pour créer la copie d’un livre dépendait de la quantité de mana qui lui restait : généralement une heure ou deux suffisait.

De toute évidence, Scroll était un enseignant né. Si, à l’avenir, il voulait augmenter le standard de l’éducation, elle pourrait presque tout enseigner. Bon… pour l’instant, se dit Roland, sa capacité n’était pas très utile, aussi mit-il son dossier de côté en pensant : lorsque j’aurai un peu de temps libre, je pourrais écrire des problèmes fondamentaux en mathématiques et en physique que je lui enseignerai, de sorte que, lorsque le moment sera venu, elle puisse éclairer le secteur de l’éducation.

Note: Pour en savoir plus sur les quatre modernisations de Deng Xiaoping